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"Nuit Debout" : vers un destin similaire à celui des "Indignés" ?

INTERVIEWS - Depuis le 31 mars, ils se réunissent place de la République, à Paris, et dans d'autres villes de France et d'Europe, pour former un nouveau courant de protestation, pacifiste et alternatif.

Des militants de "Nuit Debout" rassemblés place de la République à Paris, le 2 avril 2016
Des militants de "Nuit Debout" rassemblés place de la République à Paris, le 2 avril 2016
Crédit : DOMINIQUE FAGET / AFP
Clémence Bauduin
Clémence Bauduin

"Dans la lignée du mouvement espagnol des Indignés", "les héritiers de ces manifestants espagnols", "inspirés du mouvement des Indignés"... Les parallèles entre le mouvement "Nuit Debout" et celui amorcé en Espagne en 2011, essaimé dans de nombreux pays du monde, ne manquent pas dans la presse française. Pour cause, les deux partagent un ras-le-bol des politiques mises en place dans leurs pays respectifs et comme les Indignés, "Nuit Debout" commence à se répandre dans de nombreuses villes. Mais ce parallèle se heurte à de nombreuses limites.

"Il est toujours agréable de se voir comparé au mouvement des Indignés. Toutefois, le mouvement 'Nuit Debout' reste le mouvement 'Nuit Debout', il y a des motivations bien différentes", explique Joseph, fervent participant au mouvement de la place de la République, à RTL.fr. Une chose est sûre, la manière dont les Indignés se sont imposés dans la sphère publique inspire "Nuit Debout". "On travaille en étroite collaboration", confirme d'ailleurs Joseph. 

Une exaspération commune

"Nuit Debout" se fait connaître du grand public le soir du jeudi 31 mars. Après une nouvelle manifestation contre la loi Travail, une centaine de personnes se sont postées place de la République, à Paris, pour, depuis, s'y retrouver chaque soir. Une assemblée générale a lieu quotidiennement à 18 heures. Elle se prolonge jusqu'au milieu de la nuit dans une ambiance musicale. L'objectif, pacifiste, est d'échanger des solutions pour parvenir à "un monde meilleur", loin des préoccupations - loi travail, exil fiscal, salaires abusifs - qui noircissent actuellement l'actualité française et internationale.

Aujourd'hui, on constate que les Indignés mobilisés en France à l'époque avaient raison.

Benjamin, participant à "Nuit Debout"

Comme les Indignés, les manifestants de "Nuit Debout" sont rassemblés autour d'un pêle-mêle de revendications. "Les deux mouvements ne sont pas nés sur la même chose", nuance toutefois Benjamin, fervent participant à "Nuit Debout", à RTL.fr. Surtout, 'Nuit debout' est né plus tard. Il y a quelques années, on nous disait : 'La France n'est pas l'Espagne'. Aujourd'hui, on constate que les Indignés mobilisés en France à l'époque avaient raison. Ils n'ont pas été entendus sur le coup mais les graines qu'ils avaient semées ont germé". Et Benjamin sait de quoi il parle. En 2012, il faisait lui-même partie du courant des Indignés. Preuve que si les deux mouvements divergent sur certains points, les convictions de certains Indignés coïncident avec la philosophie de "Nuit Debout".

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Si les revendications de "Nuit Debout" se sont d'abord articulées autour du refus de la loi Travail de la ministre Myriam El Khomri, la contestation a pris de l'ampleur à mesure que les chevaux de bataille se sont multipliés. Ainsi, la lutte contre les violences policières décriées ces dernières semaines, une redéfinition de la démocratie, la baisse des hauts revenus ou "l’embauche de tous les chômeurs" sont également proposées par le collectif "Nuit Debout".

Assis en tailleur à même les dalles de la place de la République, chacun expose ses idées. Cette manière d'occuper l'espace public n'est pas sans rappeler les Indignés en 2011. Ces derniers établissaient de petits campements de fortune sur les places des villes, pour y rester quelques jours et inviter les passants à les rejoindre pour dialoguer et partager. Au micro de RTL le 2 avril, Pablo était venu de Madrid apporter son expérience aux "Nuit Debout" de la place de la République. "J'ai vécu 'Les indignés' dans les rues de Madrid. Chaque pays, chaque situation nationale est différente mais le fil rouge est exactement le même", considère-t-il.

Des Indignés à Podemos

Trois petits soirs et puis s'en vont ? Sûrement pas. Au fil de leur existence, les Indignés espagnols ont fait en sorte de convertir leur mouvement alternatif en groupe politique structuré. En janvier 2014, le journal en ligne Público publie "Prendre les choses en main : convertir l'indignation en changement politique". Le manifeste, signé par une trentaine de personnalités, revendiquait la participation d'un mouvement alternatif au sein de l'échiquier politique espagnol. Si les Indignés ont survécu à Podemos et que tous deux constituent deux organes absolument distincts, la publication du manifeste - inspiré, au départ, du mouvement des Indignés - a généré le lancement de Podemos.

Ce groupe politique, niché dans l'aile gauche - radicale - de l'hémicycle politique espagnol, est devenu un parti incontournable. En 2015, Podemos a recueilli 20,66% des suffrages lors des élections générales, obtenant ainsi 69 députés - dont 46 issus directement de Podemos - et 12 sénateurs, ce qui en fait le troisième parti d'Espagne. Ce prolongement politique des Indignés a encore de beaux jours devant lui. En juin dernier, le parti a conquis les mairies de Madrid et de Barcelone.

"Joie et espoir" sur les grandes places européennes

Ce maillage international, "Nuit Debout" l'expérimente à son tour ces derniers jours. Plus de quarante villes de France accueillent désormais le mouvement chaque soir. Au-delà de nos frontières, "Nuit Debout" existe désormais au Portugal, dans quelques villes d'Espagne et à Bruxelles, où les manifestants se retrouvent sur la bien-nommée place des Barricades. Près de trois semaines après les attentats qui ont frappé Bruxelles, ce rassemblement public réjouit les soutiens de "Nuit Debout", qui entendent "faire sortir les gens de la peur et de la torpeur par la joie et l'espoir". 

"J'espère que la Grande-Bretagne nous rejoindra bientôt", confie Joseph, le "nuitdeboutiste" invétéré. Les récentes révélations sur le premier ministre britannique David Cameron, dans le cadre des "Panama Papers", achèveront peut-être de convaincre une partie de la Grande-Bretagne de s'indigner... façon "Nuit Debout".

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