On pensait que les indemnisations des malades de l'atome était une affaire réglée. Ce n'est pas le cas. En 2010, une loi (la loi Morin) avait été votée pour indemniser les victimes des essais, les militaires et les civils, les Français de métropole et de Polynésie exposés à des doses de radioactivités. Mille dossiers d'indemnisation ont été reçus par le gouvernement français depuis 2010. Résultat : seules vingt personnes ont été reconnues victimes et indemnisées. La très grande majorité des dossiers est rejetée, comme celui de Daniel Lavoine, 70 ans. Appelé du contingent, il avait 21 ans quand, pendant l'été 1967, il a débarqué sur l'atoll de Mururoa où s'était produit un essai nucléaire quelques semaines auparavant.
La vie de Daniel Lavoine a basculé seize ans après son passage à Mururoa lorsqu'il a été opéré d'un cancer du poumon à seulement de 37 ans. "J'ai le poumon droit en moins. Dès que je remue un peu et si je vais un peu vite, je suis essoufflé", confie-t-il. "Quand on est rentré dans Mururoa, la première impression a été de voir les cocotiers bien noirs. Les compteurs Geiger étaient très actifs. On ne peut pas dire qu'ils ne savaient pas qu'il y avait des radiations", raconte-t-il. "Les gars du Commissariat à l'énergie atomique avaient des tenus blanches pour être isolés des radiations. J'étais en short et sandalettes dans une zone irradiée", dit-il encore.
Daniel Lavoine dit avoir le "bon cancer", c’est-à-dire l'un des vingt-et-un cancers reconnus dans la loi Morin. Les dates de son séjour à Mururoa correspondent aux essais atomiques. Mais la commission d'indemnisation estime "trop faible" la probabilité que son cancer soit vraiment lié aux essais. En fait, la loi exige de prouver que le malade a été exposé à "des doses tangibles" de rayonnements ionisants. En gros, c'est au malade d'apporter la preuve qu'il a été exposé. Pas simple.
Les associations de victimes soupçonnent fortement que la loi a été volontairement mal ficelée. "Quand je suis allé chercher, après des années de lutte, les documents enfin déclassifiés de l'Armée française, les pages qu'on attendait tant, qui pouvaient nourrir les dossiers en preuves, étaient blanches", nous a expliqué Jean-François Grenot de l'association des vétérans des essais nucléaires (Aven). Toujours tamponnées du "Secret Défense". Malgré la bonne volonté de son président, la commission d'indemnisation (Civen) n'indemnise donc pas grand monde, alors que l'État avait provisionné de l'argent et s'attendait à devoir payer des millions d'euros. En six ans, seulement 920.000 euros a été distribué aux victimes.
Est-ce une question d'argent, ou cela va-t-il au delà ? Les victimes expliquent que cinquante ans après le début des essais nucléaires en Polynésie, leur vie entière est derrière eux. Ce qu'ils réclament, c'est avant tout une reconnaissance par l'État français des dégâts provoqués par ces 193 essais nucléaires en Polynésie. L'association 193, qui s'est constituée à Tahiti, demande au gouvernement français, et donc au président Hollande lors de sa visite, de demander pardon aux victimes, et plus particulièrement au peuple polynésien.
François Hollande n'a pas prévu de rencontrer de victimes des essais. Ses conseillers le feront pour lui. "Si il mot pardon était prononcé, cela nous libérerait", dit le père Auguste Carlson, le président de l'association 193. "Cela apaiserait l'injustice qui a été faite à la Polynésie qui a été sacrifié et empoisonnée par l'État français", ajoute-t-il.
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