En quelques années, ils se sont forgés un nom et une image. L214, de son nom complet L214 éthique et animaux, nourrit désormais le débat public sur la condition animale. Avec un slogan "Ouvrons les yeux sur l'élevage et les abattoirs", le ton est lancé, le message est clair et ne laisse nulle place au doute.
Pourtant, pour la première fois de son histoire, l'association se retrouve sur les bancs des accusés. Deux membres de L214, dont l'un des co-fondateurs de l'association, sont jugés pour avoir dissimulé des caméras dans un abattoir des Yvelines, filmant notamment l'étourdissement des porcs.
Tous deux sont poursuivis pour violation de domicile et tentative d'atteinte à la vie privée. Après avoir comparu au tribunal de Versailles le 4 septembre dernier, ils attendent désormais la décision de justice qui devrait être rendue le 9 octobre prochain. L'association risque une amende de 15.000 euros dont 10.000 euros avec sursis.
Je ne regrette pas les risques que nous avons pris.
Sébastien Arsac dans une lettre ouverte
Contactée par RTL.fr, Brigitte Gothière, présidente de L214, rappelle qu'il s'agit d'un cas isolé. "Il y a une affaire jugée contre X publications faites", souligne-t-elle. Interpellé par les gendarmes, l'un des militants explique n'avoir dévoilé qu'"une partie de l'horreur". "Je ne regrette pas les risques que nous avons pris car, sans nos images, ce qu’endurent ces animaux serait, encore une fois, resté caché", écrit Sébastien Arsac dans une lettre ouverte publiée sur le site internet de l'association.
Les militants de l'ONG ont démontré, une fois de plus, qu'ils étaient prêts à prendre des risques pour dénoncer la souffrance animale. "Ça ne va absolument pas nous stopper. Notre objectif, c'est vraiment de montrer et poser les cartes sur la table. On se donne les moyens pour informer au plus juste les consommateurs", martèle Brigitte Gothière.
Pour parvenir à ses fins, L214 use ainsi de procédés multiples. "La plupart des alertes qui nous viennent sont des gens qui sont à l'intérieur et qui ont envie de témoigner pour montrer ce qu'ils voient tous les jours", explique sa représentante.
Pour ces lanceurs d'alerte, qui ne sont à l'origine pas tous engagés pour la cause animale, la dénonciation se révèle inévitable. En novembre 2016, Mauricio Garcia-Pereira, employé d'un abattoir de Limoges, témoignait après avoir avoir filmé de sérieux manquements à la réglementation. Étourdissements ratés puis répétés, des vaches gestantes abattues... Le salarié avait choisi de tout dévoiler au grand jour.
"L'infiltration est aujourd'hui le seul moyen pour une association de protection animale d'accomplir son travail de témoignage public sur le sort réservé aux animaux dans les élevages et abattoirs. Dans la plupart des cas, les portes des entreprises sont fermées aux caméras des associations de protection animale", explique l'ONG sur son site internet.
On n'est pas là pour vendre des produits mais pour défendre les animaux
Brigitte Gothière, présidente de L214
Chaque jour, L214 explique recevoir "3 à 4 alertes par semaine". Vient ensuite un véritable travail d'enquête et de vérifications des informations qui s'étend sur plusieurs mois. Une fois les actes de cruauté filmés, montés et édités, il est temps de les rendre publics. La forme est toujours la même : une vidéo dénonçant les conditions d'élevage ou d'abattage des animaux. Le tout par le biais de clichés choc, devenues la marque de fabrique de l'association. "Évidemment, les images sont terribles mais ce n'est pas de notre faute. On ne va pas édulcorer la réalité, on n'est pas là pour vendre des produits mais pour défendre les animaux", martèle la présidente de l'association.
Les pratiques et risques pris par L214 semblent néanmoins porter leurs fruits. Sur la toile, de nombreux internautes confient avoir changé leurs habitudes alimentaires après avoir visionné les vidéos de l'association. Des résultats "encourageants" selon la présidente de l'association qui tient néanmoins à recadrer le débat. "On remet en question les pratiques courantes mais ce n'est pas pour autant que l'on juge les gens. On a découvert une injustice et on aimerait bien aller vers une société différente qui considère les animaux non plus comme des ressources individuelles mais comme des individus à part entière", garantit Brigitte Gothière.
Ce combat est longuement relaté et expliqué dans l'ouvrage de l'association intitulé "Une voix pour les animaux". En kiosque depuis le 6 septembre, ce livre, de près de 400 pages, propose de "faire voler en éclats la loi du silence face à la souffrance animale dans les élevages et les abattoirs".