Des experts indépendants, désignés par les comités d'hygiène et de sécurité de la Poste, ont décidé d'alerter le gouvernement sur la situation sociale - et qualifiée de "préoccupante" - dans l'entreprise. Ils tirent la sonnette d'alarme et pointent du doigt une "dégradation de l'état de santé des agents". À tel point que certains en sont venus au suicide.
C'est notamment le cas de Charles Griffond, postier à Pontarlier dans le Doubs. Après 34 ans à distribuer le courrier jusqu'à un arrêt maladie, puis une dépression, il se donne la mort par pendaison chez lui le 17 juillet dernier. À ses pieds, sa famille retrouve une lettre dans laquelle il accuse directement la Poste. "Il m'ont totalement détruit", écrit-il dans ce document que RTL a pu consulter. Son fils, Pierre, parle de rythmes de travail intenables : "On lui rajoutait des boîtes aux lettres et il ne pouvait plus suivre la cadence. On a vu tout au long de sa carrière qu'il était à bout".
Le cas de cet employé du Doubs n'est pas isolé. Selon notre enquête, au moins neuf facteurs se sont suicidés ces trois dernières années. Cinq autres ont été sauvés in-extremis après une tentative de suicide qui, à chaque fois, a eu lieu sur le lieu de travail. Il y a également eu ce drame à Corbeil-Essonnes en juillet 2015 : un facteur roule et tue délibérément avec sa voiture de service un collègue en rentrant de tournée. Cet homme, désormais incarcéré à Fresnes, se plaignait de harcèlement moral.
D'une manière générale, les causes de suicides sont multiples et bien souvent très personnelles. Mais les proches et collègues de ces personnes qui sont passées à l'acte disent tous la même chose : ils pointent du doigt les réorganisations en cours à La Poste. Face à la baisse du courrier, la direction ferme des bureaux et regroupe des centres de tri. Au bout de la chaîne, les facteurs sont les plus touchés car les effectifs baissent mais les tournées s'allongent.
À Besançon, par exemple, certains postiers ont jusqu'à 900 boîtes aux lettres à faire par jour. À Castelnau-de-Médoc (Gironde), ils descendent et montent de voiture entre 500 et 600 fois en une journée. Des rythmes difficiles à tenir et surtout des tournées impossibles à faire dans les temps. Rares sont ceux qui, en commençant à 5h30, arrivent à boucler leur tournée à 13h. La Poste vient d'ailleurs d'être mise en examen pour travail dissimulé par le parquet de Besançon.
Au micro de RTL, un facteur en CDD depuis mai dernier raconte ses difficultés liées à sa tournée, qu'il ne pouvait boucler sans réaliser au moins quatre heures supplémentaires non rémunérées. "Je n'ai jamais fini à l'heure. Sur cette tournée, il y a souvent des colis pour les entreprises. Donc on vous envoyait dans des hôpitaux, des centres médicaux et j'avais des dédales de couloirs à parcourir. J'avais 40, 50 voire 80 noms de médecins. C'est titanesque. Je sortais de cet enfer, il était midi et je savais que je n'avais pas encore fait le quart de ma tournée. Et donc vous pleurez", raconte ce postier qui vient d'être mis en arrêt maladie pour burn-out.
La Poste est pourtant au courant de tous ces problèmes. Des dizaines de rapports d'expertise le disent depuis 2007. Ce sont toujours les mêmes mots qui reviennent : souffrance, pression, cadences infernales. En fait, le vrai problème réside dans ce logiciel de La Poste qui calcule les temps de parcours pour les tournées. Seulement, il ne prend pas en compte les problèmes de signalisation, le temps de monter dans les étages ou les quelques minutes de conversation échangées avec un retraité. Les experts estiment ainsi qu'entre 20 et 40% des tournées sont "intenables".
Contactée par RTL, la direction de La Poste a répondu par un simple communiqué. Elle dit "ne pas se reconnaître dans ces situations de mal-être" et assure consacrer chaque année "plus de 30 millions d'euros à la santé et à la sécurité du travail".
Commentaires
Afin d'assurer la sécurité et la qualité de ce site, nous vous demandons de vous identifier pour laisser vos commentaires.