Mardi 18 février 2014 : L'affaire Sarrasin : les amants meurtriers du Minitel rose

Bonjour à tous !

C’est une affaire qui est un véritable cas d’école. Une des plus machiavéliques de ces 20 dernières années. C’est l’histoire d’un coup de foudre qui a très mal tourné entre deux adeptes de rencontres sur ce qu’on appelait, avant internet, le Minitel Rose !
 
Danièle Guillet et son amant Patrick Sarrasin, âgés à l’époque de 33 et 41 ans, s’étaient rencontrés sur un site échangiste. Le couple de Danielle, mère de 3 enfants, et de son mari Gilles, garagiste, battait de l’aile.
 
Très vite, les « amants diaboliques », comme les surnommera la presse locale, décident d’éliminer le mari de Danielle. C’est un crime parfait, maquillé en accident de la route dans la nuit du 4 au 5 juin 1994, dans la région de Bourg-en-Bresse. Affaire classée par les gendarmes.
Mais, un an plus tard, en octobre 1995, le cadavre d’un jeune employé d’un sex-shop lyonnais va amener les enquêteurs à les confondre pour ces deux crimes !

Jacques Pradel

Danielle Doyonnas est une femme au foyer sans histoires...

Elle est mariée à Gilles Doyonnas depuis 8 ans, un garagiste ayant monté sa propre affaire. Gilles travaille énormément et sa petite entreprise lui permet d'offrir un mode de vie confortable à sa femme et à leurs deux enfants. Mais la relation entre Danielle et Gilles s'émousse. Les deux époux n'ont presque plus de relations sexuelles, chacun mène sa vie en parallèle de l'autre. Danielle s'ennuie et supporte de moins en moins bien sa vie monotone. Elle commence alors à passer de longues heures sur le Minitel Rose, où elle rentre en contact avec différents hommes ; jusqu'à sa rencontre avec Patrick Sarrasin.

Ce célibataire de 40 ans passe pour être une "grande gueule". Il prétend vivre de courses de moto, être un ancien agent secret et un spécialiste des arts martiaux. C'est aussi un fervent adepte de l'échangisme et des relations libertines. Cet homme fascine Danielle. Il est très attentionné envers elle et c'est immédiatement le coup de foudre entre eux. Danielle revit. Elle prend à nouveau soin d'elle, se maquille, se coiffe. 
Mais son mari Gilles ne tarde pas à se poser des questions. Étonné de ce changement soudain et des factures exorbitantes du téléphone, il interroge sa femme qui lui jure consulter des sites de voyance. Septique, il charge la nounou de surveiller sa femme durant la journée. Celle-ci lui révèle qu'un homme se rend très souvent chez eux et y reste plusieurs heures. Cet homme, c'est Patrick Sarrasin.
Danielle quant à elle raconte à Patrick Sarrasin que sa vie de famille est un enfer. Son mari serait étouffant et pire encore la forcerait à des relations sexuelles non consenties.

 
En mai 1994, alors qu'il se trouve à son garage, Gilles est violemment frappé sur le crâne. Surpris, il ne verra pas l'agresseur. Il rentre chez lui en sang et c'est la nounou qui le soignera. Gilles est persuadé que son agresseur n'est autre que l'amant de sa femme. Mais il ne déposera aucune plainte.
 

Le 5 juin, c'est le drame. Gilles est retrouvé mort dans sa voiture, au fond d'un ravin.

Il aurait succombé au choc de l'accident. Danielle raconte aux enquêteurs que son mari a quitté le domicile familial le soir précédent, aux environs de 23 heures, pour un dépannage et qu'il avait bu un ou deux whisky. Bien qu'il n'y ait aucune trace de freinage sur le lieu de l'accident et que les proches de Gilles aient remarqué des traces suspectes sur le corps, la gendarmerie conclut à un accident. Les soupçons sont tels que Danielle ne sera même pas conviée aux obsèques de son mari.
Ces soupçons redoublent d'intensité quand, trois semaines plus tard, Patrick Sarrasin s'installe dans la maison des Doyonnas. Danielle est radieuse. Elle se maquille, se coiffe, s'habille de manière de plus en plus provocante, encouragé par son nouveau compagnon. Patrick, lui, s'intègre parfaitement dans la famille, il a une bonne entente avec les enfants et prend peu à peu la place du père de famille. Les deux amants participent aux sorties dans le village et font figure d'un couple heureux et amoureux. Ils vivent sans réellement travailler. Danielle a touché l'assurance-vie de son mari (23 000 € environ) et les parts de l'entreprise créée par son mari. Ils s'achètent de belles voitures, font refaire la maison.
Niveau sexuel, le couple a une vie débridée. Patrick initie Danielle à l'échangisme, au triolisme, à l'exhibition et parfois ils filment leurs orgies. Les voisins remarquent de nombreux va-et-vient le soir, des couples rencontrés sur le Minitel rose.
Mais moins d'un an après la mort de Gilles, le couple machiavélique se retrouve en difficulté financière. Ils refusent de travailler et montent alors un plan machiavélique pour obtenir de l'argent.
 

Patrick annonce son plan : se servir de Danielle comme appât en proposant des exhibitions à un homme qu'ils pourront dépouiller à leur aise.

Ils contactent un certain Sébastien sur le Minitel et lui donne rendez-vous près de Bourg-en-Bresse, dans un lieu isolé au fond d'une forêt. Une fois arrivés, Danielle commence l'exhibition et propose un jeu sadomasochiste à Sébastien, pour lequel il devra être menotté. Une fois le jeune homme entravé, Patrick le menace avec un revolver, lui demande sa carte bleue ainsi que son code. Sébastien les lui donne et le supplie de l'épargner. Mais Patrick, avec un sang-froid incroyable, tire sur le jeune homme avant de l'égorger pour arrêter les râles de sa victime agonisante.
La carte bleue et le code de sa victime en poche, Patrick essaie de retirer de l'argent et se rend compte que Sébastien lui a donné un faux code.  Le butin du couple se révèlera finalement bien maigre : 100 francs, l'argent qu'avait le jeune homme dans son portefeuille, et des vidéos pornographiques qu'il avait sur lui.
Lorsque les amants rentrent, ils regardent les films afin de se détendre et de se consoler du maigre butin obtenu.

Sur la scène de crime, les gendarmes découvrent dans la poche de Sébastien un papier où il est inscrit les noms de Bruno et Chantal, accompagnés d'un numéro de téléphone. La victime est rapidement identifiée grâce à sa voiture garée un peu plus loin: il s'agit de Sébastien Faisant, 26 ans, un étudiant travaillant dans un sex-shop de Lyon afin de payer ses études. L'endroit où il a été retrouvé est un lieu connu pour les rencontres sexuelles libertines en plein air et le frère de Sébastien révèlera qu'il avait rendez-vous avec un couple le soir du meurtre. Grâce aux conversations retrouvées sur le Minitel de Sébastien, les gendarmes remontent jusqu'à Danielle Doyonnas et Patrick Sarrasin. Ils mettent le couple sous surveillance et perquisitionnent leur domicile. Des éléments accablants sont retrouvés : plusieurs armes à feu, des magazines et vidéos provenant du sex-shop où travaillait Sébastien et un couteau taché de sang qui sera identifié comme l'arme ayant servi à égorger la victime. Face à ces preuves les amants avouent…
 

Les enquêteurs commencent alors à s'interroger sur la mort du mari de Danielle, survenue quelques mois plus tôt.

Ils exhument le corps et constatent qu'une balle est logée dans le crâne de la victime. Là encore, les deux amants ne tarderont pas à avouer. Patrick explique qu'il a tué Gilles par amour pour Danielle, pour la sauver de son enfer conjugal. Il raconte en détails, le déroulement de la soirée du 4 juin où Gilles est mort. Ce soir-là, Danielle propose à son mari épuisé un whisky-orange, auquel elle mélange plusieurs comprimés d'un puissant somnifère. Gilles s'endort. Danielle l'amène alors jusqu'au lit conjugal. A 22h, Patrick sort de la chambre d'amis où il s'était caché. Il tire une balle dans la tête de Gilles, en ayant pris soin de recouvrir sa tête d'un oreiller pour étouffer le bruit du tir et ne pas réveiller les enfants qui dorment juste à côté. Il couvre alors la tête de la victime d'un sac plastique et, pendant que Danielle nettoie la scène de crime, le met dans le coffre de la propre voiture de Gilles. Il roule jusqu'à un ravin, dessert le frein à main et laisse la voiture glisser 11 mètres plus bas.

  
 
C'est le 30 novembre 1999 que s'ouvre le procès de ces deux amants diaboliques. Devant la Cour d'Assises de l'Ain, Danielle se présente comme une bonne mère de famille manipulée par son amant. Mais pour les experts, ce n'est pas une victime. Elle était certes dans un état de soumission à Patrick, qu'ils présentent comme un homme dangereux et un pervers narcissique, mais elle a participé activement aux meurtres. C'est à deux qu'ils ont commis leurs deux crimes.  Prêts à tout l'un pour l'autre, ils n'auraient certainement rien fait de tel l'un sans l'autre. Patrick Sarrasin sera condamné à la réclusion criminelle à perpétuité avec une peine incompressible de 22 ans. Quant à Danielle, elle écopera d'une peine de 30 ans de réclusion criminelle.

 

Invité : Stéphane Bouchet, journaliste-réalisateur, a réalisé un documentaire sur cette affaire.

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