Ce qu'il possédait de plus cher ? "Le sens de l'humour", répond Wolinski à l'occasion d'un portrait chinois. Cela faisait longtemps que Charles Wolinski traînait sa plume dans le dessin d'humour à la française. Lorsqu'il rentre à Hara-Kiri en 1960, il rencontre Cavanna, Delfeil de Ton, Siné et Reiser, avec qui il se lie d'amitié. Avec la bande, il traverse Mai 68.
Sur les conseils de Cavanna, le natif de Tunis se forge un dessin simplifié, sympathiquement cruel. L'angoisse et la mort sont des démons qui le tourmentent : l'homme a fait la guerre d'Algérie et sa première femme est décédée en 1966. Récemment, il déclarait que l'humoriste était "un homme seul, qui a peur".
Ses remparts : une appétence pour la sexualité et l'attirance des sexes opposés. Avec ses camarades, il s'était donné pour mission de dynamiter "la France bourgeoise de De Gaulle, avec plein d'interdits. Et le premier interdit, c'était le sexe."
Wolinski est intimement lié à Charlie Hebdo, puisqu'il en est devenu rédacteur en chef de 1970 à 1981, créé à la suite de Hara-Kiri Hebdo. Il y crée son "Roi des cons", sorte de gros monsieur débitant des phrases du café du commerce. Il revient à Charlie Hebdo en 1992 lorsque le journal renaît de ses cendres. Son humour corrosif ne l'a pas empêché de recevoir le Grand prix de la ville d'Angoulême en 2005 lors du festival international de la bande dessinée de la ville.
Le dessinateur a traversé toutes les époques, a dessiné dans plusieurs styles, des dessins politiques les plus acerbes en 1968 à du travail de pub ou ses collaborations les plus récentes, pour Paris Match et le Journal du dimanche. Celui qui disait ironiquement "nous avons fait 68 pour ne pas devenir ce que nous sommes devenus" assume ses grands écarts.
D'ailleurs, le vieil anar n'a pas fait la fine bouche lorsque Jacques Chirac lui a accroché une légion d'honneur à la veste. "Pour moi, c'est aussi ridicule de la refuser que de l'accepter", déclarait-il dans un entretien. La Bibliothèque nationale de France avait rendu hommage à ses "50 ans de dessins" lors d'une rétrospective en 2012. Wolinski s'est éteint en ayant jamais cessé de travailler à l'observation amusée des mœurs françaises.