C’est la crise à EDF. "Un véritable choc", qui va "peser lourdement sur nos résultats", c’est ainsi que le patron de l’entreprise publique, Jean-Bernard Lévy, a qualifié les mesures prises par le gouvernement pour limiter la hausse des factures d’électricité, dans un message aux salariés. Plusieurs syndicats d’EDF, à l’unisson du dirigeant, ont lancé un appel à la grève mercredi 26 janvier, pour protester contre "la destruction d’EDF".
Mais qu’est-ce qui motive une telle rébellion ? Le fameux bouclier tarifaire sur l’électricité. Pour limiter la hausse à 4 %, le gouvernement certes baisse les taxes, mais il impose aussi à EDF de vendre une grosse quantité d’électricité à ses concurrents privés à prix cassés, de façon à ce que ceux-ci puissent pratiquer eux aussi un tarif modeste pour les consommateurs.
Conséquence, EDF va vendre aux autres énergéticiens le kilowattheure une quarantaine d’euros, alors que son prix sur le marché est de 150 à 200 euros. Perte de chiffre d’affaires : huit milliards environ, pour une entreprise qui croule déjà sous les obligations et les investissements à faire. Une entreprise fragilisée, n’hésitons pas à le dire ce matin.
Les tuiles tombent de tous les côtés. D’abord, EDF a été malmenée par les errances du gouvernement sur le nucléaire. Début 2020, on lui impose la fermeture de la centrale de Fessenheim, dans la foulée d’un engagement pris par François Hollande, repris par Emmanuel Macron. Et puis le président de la République change d’avis, à la faveur de la crise énergétique mondiale, et relance le nucléaire ! Le frein et l’accélérateur enfoncés en même temps.
Après la faillite d’Areva, le constructeur des centrales nucléaires - un scandale d’état - on missionne EDF pour reprendre une partie du grand corps malade, pour deux milliards d’euros. EDF sort le chéquier. Après la quasi-faillite d’Alstom, propriété de General Electric, on lui demande aujourd’hui de reprendre certaines unités industrielles, pour un bon milliard d’euros. EDF va à nouveau faire un chèque, cela devait être annoncé dans les prochains jours. Ce n’est plus EDF, c’est Saint-Bernard.
Il y a en plus des investissements à faire sur les centrales ? Considérables. Pour en prolonger l’existence, pour démanteler les plus anciennes, même si ces sommes ont été en partie provisionnées. Investissements énormes encore, dans les énergies renouvelables. Dans le réseau électrique, qui doit être modernisé.
Tout cela s’évalue au bas mot en dizaines de milliards d'euros. Pour faire bonne mesure, une douzaine de réacteurs sont aujourd’hui arrêtés pour maintenance, plus longtemps que prévu. EDF doit donc s’approvisionner sur le marché à une époque où les prix sont très élevés.
Cela peut durer longtemps comme ça ? Non. Le titre a été massacré en bourse ces derniers jours, à cause de tous ces nuages qui s’amoncellent. L’entreprise va probablement voir sa note financière dégradée, une note qui évalue situation et perspectives et conditionne l’accès au crédit.
Cela veut dire qu’elle peut faire faillite ? Il va falloir la recapitaliser massivement, et c’est l'État qui va devoir le faire. Prise dans des injonctions contradictoires, sommée de financer indirectement la campagne électorale du président en protégeant le pouvoir d’achat, victime d'un marché européen faussement libéralisé avec des règles contestables, EDF est en danger, au moment où il faudrait accélérer dans la transition énergétique.
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