Quand Jean-Luc Wertenschlag raconte son histoire, c'est avec la même modestie et la même générosité dont il a fait preuve ce soir-là. L’infirmier-kinésithérapeute a toujours fait du secours aux victimes. Sûrement, explique-t-il parce que son père est mort dans un accident de voiture quand il avait 6 ans. Le 13 novembre 2015, il entend d'abord la fusillade avant de voir les terroristes par sa fenêtre. Il met sa fille à l'abri, saisit sa trousse d'infirmier et, dès que les tirs s’arrêtent, il sort.
"J'ouvre la porte qui donne dans la rue. Et là, des cris et du silence : c'est étonnant comme sensation", explique-t-il. Il se dirige alors vers la terrasse du bar La Belle Équipe. "C'est indescriptible. Tout était mélangé : les tables, les chaises, les corps, le sang. Tout était par terre", ajoute-t-il. Il repère une première personne devant lui qui est décédée, et une jeune fille qui saigne fortement de la jambe. "Elle se souvient que je lui ai parlé, et moi non", témoigne-t-il. "J'étais là comme en mode automatique, où je m'occupais des blessures".
Les secours arrivent. "Je suis mes consignes apprises en tant que secouriste. Je vais vers le premier pompier que je vois, et je lui dit : 'Ce sont des blessures par balles, des personnes ont été touchées à de multiples endroits, j'ai pratiqué un garrot sur cette personne", dit Jean-Luc Wertenschlag. Il se souvient avoir dessiné un "T" sur le front des personnes qu'il a traitées de la sorte. Un signe tracé "avec le sang des victimes".
Il y un an, il a créé sur Facebook le Collectif Citoyen du 13 Novembre. "Il nous permet d'interpeller les autorités sur les besoins des primo-intervenants sur ce type d'attaque, pour que ceux qui auront aussi à intervenir sur des scènes de guerre comme on a vécues ne soient pas aussi démuni que nous l'avons été", argumente-t-il.
Jean-Luc Wertenschlag explique que quand il a repris son travail dans un hôpital pour enfants, il a "eu beaucoup de mal les premiers jours avec la souffrance des parents". Il se retrouve "beaucoup plus sensible qu'avant à la souffrance des autres".
Il retourne régulièrement à La Belle Équipe. "C'est devenu un endroit encore plus populaire qu'avant, je ne sais pas si c'est une façon de résister pour certains", note-t-il. "Ils ont remis leur panneau 'Happy hours' (Heures heureuses'), qui était par terre et recouvert de sang le soir des attentats", poursuit-il.
"L'image est restée chez moi : ces heures heureuses qu'ils ont voulu nous voler, et qu'ils n'auront pas. Ça recommence, et nous on est toujours là. Les gens s'amusent et les gens vivent", se félicite Jean-Luc Wertenschlag.
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