Pour l'heure, la dune la plus haute d'Europe appartient pour une grande part à des particuliers. Ceux qui ont fait des glissages dans le sable fin en regardant le soleil couchant féerique sur le bassin d'Arcachon le savent-ils ? Les 110 mètres de haut, les 2,7 kilomètres de dune, les 60 millions de mètres cubes de sable, c'est en fait une co-propriété. Et comme souvent, une copropriété c'est un cauchemar à gérer.
Est-ce qu'on a le droit de faire une rave party sur la dune, d'organiser un événement sportif ou d'accueillir un tournage ? Cela dépend où sur la dune, car cela dépend du propriétaire. C'est pour mieux gérer le site que l'État a décidé de l'acquérir, et donc fait l'inventaire. Il y a 150 propriétaires différents. Mieux que ça : sur certaine micro-parcelles, il y a plusieurs dizaines de propriétaires. Certains ont découvert récemment qu'ils possédaient un bout de la dune du Pilat.
L'État a déjà racheté des parcelles en négociant avec ces propriétaires devenu des marchands de sables. Une vente, cette année, a permis de récupérer 10% de la dune d'un coup. Aujourd'hui, 55% de la dune est à l'État. "Maintenant, on va rentrer dans le dur", nous dit la Préfecture de Bordeaux en évoquant cette montagne de sable. L'arrêté d'expropriation est prêt. Le préfet pourra le signer dès le 19 octobre. À moins qu'il fasse traîner les choses à cause des élections, par exemple. L'objectif que s'est fixé Guillemette Rolland, du Conservatoire du littoral, c'est d'acquérir l'essentiel de la dune en 2016, grâce à ces "expropriations". Sinon ça pourrait s'ensabler et prendre des décennies.
"On accélère le processus, parce que de toute façon on n'a guère le choix dans ce genre de cas", dit-elle. "Ce n'est pas une expropriation dans le sens où on va spolier des gens", insiste-t-elle. Ceux qui résisteront ce sont propriétaires des terrains où sont installés le parking et la quinzaine de commerces dont la fréquentation a littéralement explosé. Il y a dix ans, un million de personnes visitaient la dune du Pilat chaque année. Aujourd'hui, c'est le double.
Les restaurants et les boutiques resteront après le rachat, promet le Conservatoire du littoral. Le fait que l'État devienne propriétaire permettra surtout de mieux gérer le site et son flot de visiteurs. Même les propriétaires privés, notamment ceux qui possèdent de la forêt derrière la dune, le reconnaissent : "Que le site devienne public relève de la logique". La dune du Pilat est effectivement le dernier grand site naturel français à être en grande partie privé.