"Je suis une féministe qui ne souhaite pas seulement entendre parler de l'intersectionnalité, mais je veux le ressentir vraiment, et voir l'évolution que le féminisme intersectionnel peut concrètement accomplir". La chanteuse Solange Knowles, petite sœur de Beyoncé, est en couverture de l'édition avril/mai du magazine américaine féministe Bust. Dans un entretien rapporté sur 8 pages, l'auteure-interprète est revenue sur son expérimentation de la féminité et sur son expérience de musicienne noire dans l'industrie musicale.
L'occasion pour cette artiste, récemment encensée pour son dernier album, A Seat At The Table (sorti en septembre 2016), d'aborder la notion du féminisme intersectionnel. Un terme que l'on voit surgir depuis quelques années maintenant mais qui ne semble pas suffisamment populaire pour être reconnu par la majorité des correcteurs d'orthographe. Explication d'une branche du féminisme pourtant essentielle à la compréhension du monde d'aujourd'hui.
Le féminisme intersectionnel est un concept jeune. Il a été théorisé par une universitaire américaine : Kimberlé Crenshaw, en 1991 dans un article intitulé "Cartographie des marges : Intersectionnalité, politiques de l'identité et violences contre les femmes de couleur" (1).
Pour comprendre le féminisme intersectionnel, il faut d'abord saisir le principe d'intersectionnalité. L'idée selon laquelle des personnes subissent, en même temps, des discriminations ou une forme de domination dans une société (selon le genre, la classe sociale, les origines, l'orientation sexuelle ou le handicap).
Kimberlé Crenshaw s'intéresse plus particulièrement aux femmes noires de son pays. Elle explique que, par leur couleur de peau, les Afro-américaines connaissent une réalité différente des femmes blanches et, à l'échelle politique, les femmes noires sont marginalisées, notamment sur la question des violences.
En d'autres termes, si le simple fait d'être une femme vous expose à des discriminations (inégalité salariale, violences...), être une femme noire vous expose à une double peine (racisme). Le concept a parfaitement été illustré par Akilah Obviously, dans une vidéo publiée sur YouTube en avril 2015.
La Youtubeuse compare les femmes avec des pizzas et les hommes avec des burgers. On connaît tous la supériorité du burger dans le monde de la restauration françaises comme étrangères. C'est pareil avec les hommes et les femmes, selon Akilah Obviously.
Mais côté pizza aussi, on note des différences d'appréciation et de popularité. Ainsi la pizza au fromage (comprendre la femme blanche) n'est pas aussi populaire que sa version deluxe (comprendre la femme noire ou lesbienne, ou transgenre etc.). Il en va de même pour les discours féministes. Une Emma Watson au fromage (et son discours à l'ONU) sera mieux reçue par les médias et l'opinion publique qu'une Beyoncé deluxe (affichant en gros caractère le mot "féministe" lors d'une performance sur scène).
Á croire que pour certains, les femmes noires n'auraient pas leur mot à dire dans les débats féministes. Dommage pour un monde toujours régi par les burgers, conclut Akilah Obviously. À méditer.
C'est sur cette notion de solidarité que l'on retrouve Solange Knowles, dans son interview pour le magazine Bust. L'artiste américaine explique : "Je veux que les droits des femmes soient honorés à égalité, qu'ils soient tous entendus. Mais je veux nous voir nous battre pour toutes les femmes - les femmes de couleurs, nos sœurs LGBTQ comme musulmanes...", explique Solange avant d'ajouter vouloir "voir des millions de femmes défiler dans les rues pour nos droits (...). Je pense que nous avançons centimètre par centimètre et j'en suis très fière".
Le féminisme intersectionnel est on ne peut plus d'actualité. Kimberlé Crenshaw l'a elle-même écrit près de 30 ans après avoir théorisé le concept, dans un article publié dans le Washington Post en 2015. Les femmes et filles noires, aux États-Unis, sont loin d'être les égales des femmes blanches. Alors que dire de l'égalité avec les hommes blancs ? On en est franchement loin.
"L'intersectionnalité seule ne peut pas faire apparaître les corps invisibles", ajoute la juriste américaine dans son article. "Les mots à eux seuls ne changeront pas la façon dont certaines personnes - les personnes les moins visibles des circonscriptions politiques - doivent continuer à attendre que les dirigeants, les décideurs et les autres, prennent conscience de leurs combats."
En d'autres termes : un mot ne peut changer le monde, il est désormais nécessaire de passer à l'action, mettre en place des politiques afin de lutter contre les inégalités. Une vision que Kimberlé Crenshaw porte sur les États-Unis mais qui peut se vérifier de l'autre côté de l'Atlantique.
(1) Cahiers du Genre, 2005/2 n° 39, p. 51-82. L'intégralité de l'article de Kimberlé Crenshaw est disponible (en français) via ce lien.
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