"Au Front national, Marion est l'autre jambe de Marine", dit Alba Ventura
REPLAY / ÉDITO - La petite-fille qui désavoue le grand-père sur les chambres à gaz, c'est une première. Cela signifie que Marion, comme Marine, n'est plus vraiment en phase avec Jean-Marie.
Les propos de Jean-Marie Le Pen, la semaine dernière sur les chambres à gaz, ont une nouvelle fois provoqué des remous au sein du Front national. Mais pour la première fois, la petite-fille, Marion Maréchal-Le Pen, s'est désolidarisée de son grand-père.
On a toujours dit qu'elle soutenait Jean-Marie Le Pen, ou en tout cas que son silence valait approbation. Elle n'a rien dit quant il a parlé de "fournée" au sujet des artistes qui critiquaient le FN. Elle n'a pas tordu le nez quand il en appelait à "Monseigneur Ebola" pour régler l'immigration clandestine. En tout cas, elle ne l'a jamais frontalement critiqué.
Un pied dans la porte
Là, c'est effectivement la première fois qu'elle s'autorise à s'opposer à lui. C'est très clair dans l'interview qu'elle donne au magazine Valeurs Actuelles. Elle parle de "provocation inutile et stérile", en ajoutant : "Je suis en désaccord de fond, et je ne peux soutenir de tels propos". Autrement dit, les attaques antisémites ça ne passe plus, Jean-Marie Le Pen est allé trop loin.
Est-ce que cela veut dire que Marion Maréchal-Le Pen est prête à se dresser contre son grand-père, par exemple aux régionales en Provence-Alpes-Côte d'Azur ? Cela signifie en tout cas qu'elle a mis un pied dans la porte. Sans doute sa tante Marine n'y est pas pour rien.
La présidente du FN n'a aucune envie de voir Jean-Marie le Pen président de la région PACA. Depuis des mois, elle juge que c'est une erreur. Marine le Pen n'hésite pas à dire en coulisses : "Jean-Marie Le Pen président de région ? Et pourquoi pas moi danseuse au Crazy Horse ?"
Le petit jeu a souvent été d'opposer Marion et Marine Le Pen
Alba Ventura
Là encore, Marion Maréchal-Le Pen n'osait pas défier son grand-père pour la tête de liste aux régionales. À partir du moment où Jean-Marie Le Pen avait indiqué qu'il souhaitait briguer la région en décembre prochain, elle s'était rangée à sa décision. Sa proximité et sa complicité avec son protecteur l'empêchaient de déboulonner la statue. Pour elle, cela aurait été un crime de lèse-majesté de vouloir prendre sa place.
Cette énième provocation de Jean-Marie Le Pen lui offre donc l'occasion de dire que, finalement, elle est prête à y aller. Marine Le Pen voit forcément cela d'un très bon œil.
Y aurait-il donc aujourd'hui Marine et Marion contre Jean-Marie ? Le petit jeu a souvent été d'opposer Marion et Marine Le Pen. Mais en terme de pragmatisme politique, elles sont sur la même ligne. En tout cas, elles partagent le même objectif politique. Le jeu de Jean-Marie Le Pen a toujours été de bousculer "l'establishment". Marine et Marion, elles, veulent prendre le pouvoir.
Partage des rôles
Cela veut dire qu'aujourd'hui, il n'y a pas seulement la marque "Le Pen", qui englobe toute une famille. Il y a Marine-Marion et Jean-Marie. Il y a le bloc de la tante et la nièce contre le patriarche. Même s'il ne s'agit pas d'exclure Jean-Marie ou de se détourner de lui.
Mais il y a d'un côté Jean-Marie, qui incarne le FN à l'ancienne ; et de l'autre Marine, la libérale, et Marion, la traditionnelle. Marion qui renforce Marine. Marine qui joue Marion, mais ne joue plus Jean-Marie. On a souvent pensé que Marion était l'objet de Jean-Marie. En fait, Marion est l'autre jambe de Marine. Disons qu'il y a un partage des rôles chez les filles Le Pen, entre une Marine trop à gauche pour certains au FN, et une Marion plus dure, plus anti-avortement et anti-mariage pour tous.
Chez les filles Le Pen, on aime beaucoup le père et grand-père. Mais on fait le constat qu'il est devenu l'acariâtre qui ne sert plus. Surtout, toutes les deux, sans oser le dire publiquement, estiment qu'il a passé l'âge, que l'heure de la retraite a sonné.
