"Manuel Valls a raison de tenir tête aux frondeurs", dit Alba Ventura
REPLAY / ÉDITO - Pour Manuel Valls, les socialistes sont plus importants que la Banque centrale européenne. Pas surprenant, estime la journaliste : les socialistes sont juste plus ingérables que Mario Draghi.
Manuel Valls a annulé son déplacement en Allemagne prévu ce mardi 31 mars pour se rendre au chevet des socialistes à l'Assemblée nationale. Il y a visiblement urgence : il est plus essentiel d'aller voir les députés socialistes que de participer au sommet franco-allemand et de s'entretenir avec Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne (BCE). On voit où sont les priorités du jour : elles sont politiciennes. La cohésion du Parti socialiste passe avant l'économie européenne !
Cela dit, vous avez peut être entendu ces comparaisons de mauvais goût qui ont circulé lundi : "Valls est enfermé dans le cockpit" ou "Manuel, sors de cette cabine avant de tous nous écraser !" Ce n'est pas terrible. Mais ce que l'on retient c'est que certains accusent le Premier ministre d'être suicidaire.
Il y a le feu au lac, et on comprend mieux pourquoi François Hollande, qui, lui, sera présent en Allemagne, a demandé au dernier moment à Manuel Valls de rester à Paris.
"Pompier pyromane"
Est-ce Manuel Valls qui veut éteindre le feu ? Comme le dit l'un de ses proches, "Manuel n'a pas une palette de jeu extensible". C'est vrai qu'il est plutôt dans le registre "autoritaire", avec bien souvent ce doigt tendu qu'il a du mal a réprimer. Ses adversaires le jugent d'ailleurs plutôt "pompier pyromane" que "pompier tout court".
Est-ce qu'il peut éteindre le feu, quand on sait que les grandes manœuvres en vue du congrès socialiste de Poitiers ont démarré et que chacun est en train de fourbir ses armes (les "frondeurs" d'un côté, les amis de Martine Aubry de l'autre) ? Est-ce qu'il peut éviter que cela tourne à la foire d'empoigne ? Surtout, est-ce qu'il peut pendant des mois encore supporter de se laisser enfermer dans le piège des "frondeurs", dans le traquenard de l'aile gauche du PS ?
Nous verrons bien si Manuel Valls aura choisi aujourd'hui de se montrer ferme sans être agacé, serein sans être immobile, de ne rien lâcher sans être autiste. En fait, il a raison de tenir tête aux "frondeurs". Il est dans sa logique. Il poursuit une autre politique, une politique qui ne porte pas ses fruits pour le moment, mais une politique qui depuis toujours acte des accords de fond. Et plus beaucoup d'idées communes avec une partie de ses amis socialistes.
Séduction Vs conviction
Pourra-t-il garder le cap ? Cela dépend de François Hollande. Le côté "florentin" du Président va-t-il prendre le dessus ? François Hollande soutient Manuel Valls, tout en faisant des risettes à la gauche de la gauche. Il laisse le Premier ministre marteler l'orientation politique tout en essayant d'acheter des voix. Entre le cap économique et la présidentielle, le chef de l'État ne veut pas choisir. C'est toujours l'as de la synthèse.
Ça l'arrange que Manuel Valls continue à faire le dur, tandis que lui joue le gentil. C'est "good cop, bad cop", comme on dit aux États-Unis : "bon flic, mauvais flic".
Ce qui est certain, c'est qu'on ne fait pas la même lecture de la situation à l'Élysée et à Matignon. Quand le Président ménage les grognons et les reçoit dans son avion ou à l'Élysée, Manuel Valls considère que la grille d'analyse des "frondeurs" est biaisée. L'un veut laisser la porte grand'ouverte quand l'autre veut fermer la porte. Comme le dit l'un des amis du Premier ministre, il y a ceux qui sont dans la séduction et ceux qui sont dans la conviction. Qu'est ce qui l'emportera, la séduction ou la conviction ?
Au fait, bon anniversaire ! Cela fait seulement un an aujourd'hui que Manuel Valls est à Matignon. Et selon François Hollande, il en reste encore deux. Alors bon anniversaire, et surtout bon courage !
