Les relations entre l'Iran et l'Arabie Saoudite restent tendues. Le Liban se retrouve au milieu des jeux d'influence des deux États concurrents du Moyen-Orient. Depuis 2003 et la chute du régime de Saddam Hussein en Irak, Riyad supporte mal l'essor de son rival historique. L'étrange démission télévisée du premier ministre libanais, Saad Hariri, depuis la capitale saoudienne le 4 novembre dernier a remis ces tensions sur le devant de la scène internationale.
Le président libanais, Michel Aoun, estime que cette démission a été forcée par l'Arabie Saoudite et ne l'a pas acceptée. Saad Hariri dément et se dit "libre". Invité par Emmanuel Macron, il se rendra d'ailleurs en France samedi 18 novembre.
Le Liban est une terre qui abrite des ressortissants de nombreuses communautés. Parmi elles, les sunnites et les chiites, éternels ennemis. Comme l'explique à RTL.fr le chercheur Romain Caillet, qui a vécu 5 ans au Liban, la tradition veut que le président soit chrétien maronite, le premier ministre sunnite (religion officielle d'Arabie Saoudite) et le chef du Parlement chiite (religion dominante d'Iran).
Saad Hariri est libano-saoudien et fils du fondateur du parti sunnite du Futur. Ce dernier est soutenu par Riyad, comme le parti du Hezbollah est soutenu par Téhéran. Cet équilibre politique protège ainsi le pays des sanctions internationales qui pourraient peser contre lui. Le Hezbollah - parti chiite - est l'acteur politique le plus puissant du Liban. Il est présent au gouvernement, alors qu'il figure sur la liste noire des organisations terroristes des États-Unis et de l'Union européenne.
"Le Liban a un groupe terroriste dans son gouvernement et c'est Hariri qui le protège des sanctions, résume Romain Caillet. La présence sunnite à la tête de l'État libanais est une couverture à un gouvernement qui a en son sein le Hezbollah".
Un point de vue qui n'est pas partagé par Didier Billion, directeur adjoint de l'Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS), selon qui, si le Hezbollah est considéré comme groupe terroriste par certains, il est surtout "une organisation politique et pas seulement militaire". Il est toutefois d'accord pour dire que cet équilibre est brisé si Hariri démissionne. "Son successeur", s'il doit en avoir un, "devra être sunnite".
Le Hezbollah est "l'Iran au Liban et le Liban en Iran", comme aiment à le scander ses partisans, rapporte Romain Caillet. Le parti politique (armé) est l'ennemi juré de l'Arabie Saoudite et de Saad Hariri. Si le Hezbollah dément, il est accusé par le Tribunal spécial pour le Liban d'être responsable de la mort de son père, Rafic Hariri. Saad Hariri a d'ailleurs expliqué dans son discours de démission depuis Riyad qu'il "craignait" pour sa vie. Une affirmation qui a été démentie par les services de renseignement libanais du FSI (pro-sunnites).
Selon certains observateurs, le Hezbollah n'a d'ailleurs pas tellement d'intérêt dans cette démission, voire dans sa mort, car "comme dit George Malbrunot (journaliste spécialisé au Figaro, ndlr), ils ont déjà gagné, poursuit Romain Caillet. Leur arsenal est intouchable, tous les systèmes sécuritaires doivent leur accorder une impunité sur leurs actions".
Pour faire pression sur le Liban afin qu'il contienne l'influence de l'organisation sur le pays, et à l'extérieur, Saad Hariri a donc démissionné en demandant au Hezbollah "d'abandonner certains théâtres" où ils combattent. L'Arabie Saoudite espère que cela va fonctionner. Mais le Hezbollah "est une force centrale de l'échiquier politique" et "ce genre de manœuvres ne fera pas s'agenouiller le Hezbollah, affirme Didier Billion. C'est une erreur de calcul absolue du prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salman".
Comme la
Syrie ou le Yémen, le Liban est le terrain des rivalités irano-saoudiennes,
pour le moment sans les armes. L'aîné de Saad Hariri, Bahaa Hariri, soutient
la démission de son frère. Il accuse le Hezbollah de "prendre le contrôle
du Liban". Le clan Hariri a d'ailleurs refusé que Bahaa Hariri remplace
son petit frère au poste de premier ministre.
L'ingérence des pays voisins est
monnaie courante au Liban. "Elle est instrumentalisée par les différente
communautés présentes", ajoute Romain Caillet. L'Arabie Saoudite et l'Iran
s'en servent pour faire état de leur influence. La première a le sentiment d'en
perdre le contrôle.
Le départ de
Hariri expose le Liban, d'abord au niveau des pays du Golfe. Si l'Arabie Saoudite
décide de boycotter économiquement le Liban, ce serait la
catastrophe pour Beyrouth. Car, selon Romain Caillet, "une bonne partie
des fortunes libanaises se sont faites dans le Golfe". Outre l'économie,
les conséquences pourraient avoir un coup humain.
Avec le
départ de Saad Hariri, le Liban n'est plus protégé par les puissances internationales.
"Le Liban n'aura plus le soutien des Américains si Israël décide de tout
raser", avance ainsi le spécialiste Romain Caillet. Si sa
démission est actée une fois de retour au Liban - ce qui devrait arriver d'ici
quelques jours -, le pays pourrait plonger dans "une instabilité politique
de plusieurs mois", explique Didier Billion. Le président actuel, Michel Aoun, est soutenu par le
Hezbollah, mais il "existe d'autres forces politiques et il faudra trouver
un compromis", poursuit-il.
Selon Frédéric Encel,
géopolitologue professeur de relations internationales et de sciences
politiques à la PSB Paris School of Business, une guerre ne devrait pas
éclater. Il évoque toutefois la possibilité d'une "guerre froide" qui
se concrétise dans les zones de conflits voisines. Dans tous les cas, pour
Didier Billion, le prince saoudien "ferait bien de s'arrêter pour
réfléchir, au risque de mettre son pays dans l'embarras".
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