Le duel Anquetil - Poulidor a coupé en deux la France du cyclisme
CHRONIQUE - La rivalité entre Jacques Anquetil et Raymond Poulidor est un épisode majeur du cyclisme contemporain. Au premier, le palmarès. Au second, la popularité.

Pour Jacques Anquetil et Raymond Poulidor, depuis le début des années 60, la croisée des destins se fait roue dans roue, dans les cols et les lacets.
Les deux champions s'affrontent et se détestent cordialement. Tous les coups sont bons (poussettes, intimidations) pour éliminer le rival. Pour ce Tour de de France 1964, ils se déchirent dans la montée du Puy de Dôme.
La France est alors divisée en deux camps : les "Anquetilistes" et les "Poulidoristes". À Anquetil, un palmarès prestigieux (ce cinquième Tour), mais une ferveur des plus tièdes. À Poulidor - le sympathique "Poupou" -, les places d'honneur, mais les applaudissements et les encouragements du peuple du vélo.
Tout un paradoxe où le numéro deux surclasse dans les cœurs le numéro un. La guerre va donc s'intensifier. Sur les routes de France, l'armistice n'est pas programmé.
Le Paris-Nice 1966 frise l'affrontement. Un coéquipier de Poulidor est poussé dans le fossé. Anquetil est vainqueur ; Poulidor est derrière. La rivalité fait le délice du public et des journaux mais irrite les autorités sportives. Avant les championnats du monde sur route en Allemagne, un sommet pour les réconcilier.
Du jamais vu. Une éclaircie tout juste passagère. L'année suivante, sur le Giro, un coureur italien se demandera longtemps pourquoi Anquetil était toujours sur son dos. Il avait tout simplement le malheur de s'appeler Polidori, presque Poulidor.
À croire que l'un ne pourrait pas rouler sans l'autre. Poulidor ne gagnera aucun Tour de France. Mais la rivalité, féroce et légendaire, durera jusqu'au dernier tour de pédale. Anquetil, le champion secret, met le premier pied à terre. Il n'a rien oublié. Poulidor non plus.
Désormais, loin de la compétition et de la foule, Jacques Anquetil et Raymond Poulidor seront amis. Juste avant sa mort, le premier, malade, aura ce mot :"Il faudra encore te contenter de la deuxième place, je vais partir le premier". Ce jour-là, Poulidor dit avoir pleuré.