Isabelle Morini-Bosc : "Pour le public, c'est le syndrome 'redifs en masse, chaînes à la ramasse'"

ÉDITO - Pour faire face à l'Euro 2016, les chaînes préfèrent jouer la prudence, et miser sur des rediffusions.

France 2 rediffuse le pilote de la série Marjorie pour faire face à l'Euro sur TF1, mercredi 15 juin

Crédit : France 2 / Grandroques Rémy

Ce n'est pas forcément mauvais de consommer un plat réchauffé, ce n'est pas non plus forcément mauvais de voir ou revoir une émission déjà diffusée. Si le plat est bon, il le restera. Idem pour l'émission. Surtout si les deux sont servis sur un plateau ! Vu d'ailleurs le nombre de chaînes, comment pourraient-elles survivre sans faire appel "à du passé pas encore dépassé" ? Et pourquoi un bon programme n'aurait-il pas droit à une seconde chance ? Surtout s'il a été vu par peu de gens pour cause de mauvaise programmation ou de concurrence trop forte. 2 millions de téléspectateurs sur un bassin potentiel de 15 ou 16 millions, ça laisse comme on dit "de la marge".

"Dans certains cas, ce n'est pas le programme qui change, c'est le public", rappelait ainsi autrefois le patron du groupe M6 Nicolas de Tavernost en passant et repassant jusqu'à l'hypnose La petite maison dans la prairie. Il a raison et dans ce cas, la jeune classe remplace la vieille garde devant le poste, par exemple aujourd'hui devant Zorro chaque dimanche soir sur France 3. Sauf que tout est question de proportions; or les "rediffs", comme on dit, se "démultiplient" en période de "grands rendez-vous sportifs".

Une vingtaine de rediffusions pour faire face à l'Euro

D'où par exemple actuellement, un quotidien plus compliqué pour le service public ou les chaînes payantes. Si, ce soir, le téléspectateur anti-foot a le choix entre plusieurs inédits (Aventures de médecine, Brokenwood, D.Foster), il n'en sera pas de même demain mercredi. Que du "déjà vu" de partout. Heureusement qu'il ne s'agit pas de déjà vu qu'on a assez vu, puisque Des Racines et des ailes permet de se balader en Touraine, puisque le pilote de Marjorie est très réussi sur France 2, puisque Cauchemar à l'hôtel n'en est pas un pour le public télé. Reste qu'une vingtaine de programmes "pas tout neufs" en soirée, c'est incontestablement "un peu beaucoup".

Pour le public, c'est le syndrome "rediffs en masse, chaînes à la ramasse". Certes. Mais que feriez-vous si vous étiez patron de chaîne ? Sacrifieriez-vous "des nouveautés" face à des matchs qui, alors que l'Eurofoot commence à peine, rassemblent déjà plus de 16 millions de fidèles lorsque les Bleus jouent, et entre 6 et 8 quand ils sont au repos ? Le public a certes droit à du "produit frais", mais balancer ce produit en plein Eurofoot, ce serait aussi efficace que de donner de grands coups d'épée dans l'eau. Beau mais inutile.

Choix stratégiques

La preuve avec Gérard Darmon, furieux de constater que France 2 va démarrer le 22 juin prochain la diffusion de Duels au soleil, feuilleton dont il est la vedette. Or donc en plein Euro. Reste à savoir si la direction a choisi cette date parce qu'elle croyait trop au produit, ou parce qu'elle n'y croyait pas assez. On a également le droit de rappeler en conclusion aux chaînes qu'elles ont en stock des inédits "comestibles". France 2 a ainsi en réserve un unitaire sur Christian Karembeu, et M6 des épisodes des jumeaux Jeff et Leo, héros d'une comédie policière avec Olivier Sitruck. Les offrir maintenant au public ne serait peut-être pas la meilleure idée de l'année, mais ce ne serait pas la pire. Pas franchement. Franchement pas.

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