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"Le Dernier Tango à Paris" : l'histoire d'une scène violente et non conssentie

L'une des scènes cultes du "Dernier tango à Paris" de Bernardo Bertolucci, sorti en 1972, est en réalité une agression sexuelle qui a bouleversé la vie de l'actrice Maria Schneider.

Maria Schneider et Marlon Brando dans "Le Dernier tango à Paris"
Crédit : REX FEATURES/SIPA
Laure-Hélène de Vriendt

Trois jours après la révélation par le magazine américain Elle de l'agression sexuelle non consentie de Maria Schneider par Marlon Brando, les stars du monde entier expriment leur choc. L'actrice Jessica Chastain a dénoncé sur Twitter "un viol" à l'écran et Evan Rachel Wood, qui a récemment évoqué le viol dont elle a été victime, a qualifié Marlon Brando et Bernardo Bertolucci "d'individus malades". 

Dans Le Dernier tango à Paris, sorti en 1972, Marlon Brando est Paul, un quadragénaire américain installé à Paris qui mène une vie morose. Il rencontre par hasard Jeanne, interprétée par Maria Schneider, une jeune femme qui a la vingtaine, fiancée à un jeune cinéaste. Ils entament alors une relation sexuelle, dont la violence va s'amplifier au fil de leurs ébats. Dans une des scènes, Paul viole Jeanne par sodomie, en utilisant du beurre comme lubrifiant. Si la sodomie est jouée, les larmes de Maria Schneider sont réelles : le réalisateur et l'acteur avaient décidé de ne pas la mettre au courant de ce qu'ils avaient convenu.

Une star qui enchaîne les échecs et une jeune première

Lorsque Bernardo Bertolucci a l'idée du Dernier tango à Paris, il ne pense pas confier le premier rôle à Marlon Brando, mais demande à Jean-Louis Trintignan, qui refuse, puis à Jean-Paul Belmondo et Alain Delon, qui déclinent eux aussi. On lui suggère alors Marlon Brando dont les derniers films sont des échecs. Maria Schneider est une jeune actrice de 19 ans au moment où elle est choisie pour interpréter Jeanne, elle a joué dans quelques films et est la protégée de Brigitte Bardot. Dans le documentaire Il était une fois... Le Dernier tango à Paris, diffusé sur Arte en 2004, elle explique avoir eu des craintes "par rapport à la crudité du scénario, à la difficulté de jouer ça. Je ne comprenais pas tout, il y avait une violence, il y avait la nudité, il y avait tout ça".

C'est une scène qui n'était pas dans le scénario, c'était une improvisation de Marlon. Bertolucci a crié au génie

Maria Schneider

Marlon Brando est lui, comme à son habitude, dans son personnage. Il ne cesse de modifier les dialogues de départ, qu'il ne trouve pas assez intéressants, et d'improviser les scènes qui ne lui plaisent pas. Il dicte une partie de la mise en scène à Bernardo Bertolucci, dont celle de la sodomie. Cette scène, qui a fait scandale pour ce qu'elle montrait en 1972 et qui aujourd'hui se révèle être une agression sexuelle, est sortie de la tête de Marlon Brando, qui a eu l'approbation de Bernardo Bertolucci : "C'est une scène qui n'était pas dans le scénario, c'était une improvisation de Marlon ; et Bertolucci a crié au génie", se souvient Maria Schneider dans le documentaire d'Arte

Une scène non consentie

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Quarante ans après la sortie du film, Bernardo Bertolucci reconnaît dans une vidéo de 2013 qu'il a orchestré la scène de viol de Maria Schneider à son insu. Il l'a planifié avec son partenaire, Marlon Brando, dans un seul but : une soi-disante authenticité. "Je voulais sa réaction en tant que femme et pas en tant qu'actrice. Pour obtenir quelque chose, je pense que vous devez être complètement libre. Je ne voulais pas qu'elle joue l'humiliation et la rage, je voulais que Maria la ressente". Une idée qu'il a eu avec Marlon Brando le matin même du tournage. 

En 2004, Bernardo Bertolucci essaie de justifier cette vision de la scène, pourtant injustifiable : "On a pensé que le désespoir et l'autodestruction de Paul passait à travers la destruction sur la fille. C'était comme ça qu'on a pensé à la sodomie avec le beurre. J'ai décidé qu'il ne fallait pas le dire à Maria, qu'il fallait qu'elle découvre ça pendant le film". Le scandale soulevé par Le Dernier tango à Paris poussera Marlon Brando à renier son personnage et le film en entier. 

Une agression qui a bouleversé la vie de Maria Schneider

La violence de la scène n'est pas réaliste, elle est réelle : "Ce sont des vrais pleurs, ce n'est pas des pleurs de glycérine de cinéma, je pleure vraiment", confie régulièrement Maria Schneider. Les hurlements qu'elle pousse lors de l'acte ne sont pas faux non plus et Bernardo Bertolucci le sait : "Quand elle s'est rendue compte de ce qu'il se passait, elle a commencé à protester violemment, elle proteste, elle hurle, contre moi, contre Marlon". Maria Schneider confiait au Daily Mail en 2007 : "Je me suis sentie humiliée et, pour être honnête, je me suis sentie un peu violée par Marlon et Bertolucci. Après la scène, Marlon ne m'a pas consolée ou même présenté ses excuses". 

Traumatisée par le tournage, elle refusera après toute scène de nu dans les scénarios. Elle développera une dépendance à la cocaïne, à l'héroïne et tombera en dépression pendant sept ans, des années de jeunesse qui lui ont été volées. Maria Schneider a surtout eu des difficultés avec l'image que la scène renvoyait d'elle : "Ça a été une humiliation de plus. Après le regard des gens, le ricanement quand on vous sert du beurre dans les brasseries avec un petit sourire". 

Maria m'accusait d'avoir volé sa jeunesse, et aujourd'hui je me demande si ce n'était pas en partie vrai

Bernardo Bertolucci

Maria Schneider est décédée en 2011 d'un cancer. A sa mort, le réalisateur a exprimé des regrets sur la manière dont la scène avait été tournée et sur l'impact qu'elle a eu sur la vie de l'actrice : "Maria m'accusait d'avoir volé sa jeunesse, et aujourd'hui seulement je me demande si ce n'était pas en partie vrai. En réalité, elle était trop jeune pour pouvoir soutenir l'impact qu'a eu le succès imprévisible et brutal du film. Marlon s'était réfugié dans sa vie privée impénétrable et tout le poids de la promotion du film est retombé sur Maria et moi". 
40 ans après avoir filmé, en pleine conscience, l'agression sexuelle d'une jeune femme pour que les sentiments fassent plus vrais sur l'écran, Bernardo Bertolucci aurait "voulu demander pardon" à Maria Schneider. 

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