Facebook a-t-il favorisé l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis ? Après le choc de la victoire du milliardaire américain mercredi 9 novembre, le réseau social fondé par Mark Zuckerberg est dans le viseur des déçus du résultat du scrutin. Le New York Mag a par exemple publié une tribune au titre équivoque, "Donald Trump a gagné à cause de Facebook", dans laquelle il accuse la plateforme sociale aux 1,4 milliard d'utilisateurs d’avoir favorisé la propagation à grande échelle de fausses informations favorables au magnat de l’immobilier.
"Le Pape soutient Trump", "Les Clinton
possèdent une maison à 200 millions de dollars aux Maldives", "Hillary
Clinton appelle à la guerre civile en cas de victoire de Donald Trump"… Ces
informations virales partagées par des pages sensationnalistes suivies par des
millions de personnes ont conforté les électeurs de Trump dans leur choix,
accuse le magazine, qui reproche aux algorithmes du réseau social de favoriser
l’entre soi et de freiner le débat et la contradiction.
Régulièrement mis à jour, les algorithmes de Facebook trient les milliers de contenus susceptibles de s’afficher sur les timelines des utilisateurs afin de faire remonter ceux qui sont les plus à même de les intéresser. L’objectif est de faire rester le public plus longtemps sur le site afin qu’il soit exposé au plus de publicités possibles. Ce système fait le jeu des hoax, des fausses informations pensées pour faire réagir, qui génèrent beaucoup de mentions " j’aime" et de commentaires. Elles s'affichent tout en haut des fils d'actualité une fois devenues virales.
Les détracteurs de Facebook reprochent également aux algorithmes d'enfermer les
internautes dans une pensée unique. "Plus nous aimons et partageons des
contenus qui font écho à notre manière de penser, plus Facebook nous propose
des publications similaires, résume le Guardian.
Cela a peu à peu divisé la narration politique en deux bulles de filtres :
une pour les conservateurs, et une pour les libéraux ". Chaque camp se
retrouvant privé de toute désintox.
La capacité de Facebook a déformer la réalité et à façonner
la compréhension des événements de ses utilisateurs est critiquée jusqu’en France.
Comme Christiane Taubira et Laurent Fabius, le candidat à la primaire PS Benoît
Hamon a estimé que le réseau social avait "une co-responsabilité à
travers les algorithmes qui sont les siens et son mécanisme d’information
identitaire" et qu’on "ne pourra pas continuer avec une forme de
dichotomie entre des organes de presse écrite qui ont une responsabilité sur le
contenu qu’ils publient et des hébergeurs qui se déchargent de toute
responsabilité".
Facebook n'est pas seul sur le banc des accusés. Cette semaine, des algorithmes du moteur de recherche de Google ont mis en avant à leur tour de fausses informations. Depuis lundi, en tapant "who won popular vote" ou "final election count" sur Google.com, le moteur de recherche propose sur sa première page un article d'actualité émanant d'un blog Wordpress assurant que Donald Trump avait remporté à la fois le suffrage populaire et celui des grands électeurs. L'article est basé sur un tweet non vérifié reprenant les informations d'un journal ultra-conservateur américain.
Sous le feu des critiques, les deux géants technologiques ont répliqué quasiment coup sur coup. Retranché derrière sa position habituelle d'entreprise technologique, simple hébergeur de contenus, Mark Zuckerberg a réfuté ces accusations vendredi, assurant lors d’une conférence organisée par le site spécialisé américain TechCrunch que "parmi tous les contenus de Facebook, plus de 99% est authentique". Les deux géants ont ensuite annoncé quasiment coup sur coup mardi soir une série de mesures pour lutter contre la propagation des fausses actualités sur leurs plateformes respectives.
Google s'attaque directement au porte-monnaie des sites qui relaient de fausses actualités en leur fermant l'accès aux services de sa régie publicitaire AdSense afin qu'ils ne dégagent pas de revenus grâce à de tels contenus. Sont concernés les sites qui "cachent, falsifient ou mentent sur l'identité de leur gérant, la nature de son contenu ou l'objectif poursuivi". Facebook a pour sa part modifié ses règles publicitaires en intégrant les fausses informations à la liste des éléments interdits, comme la pornographie, l'alcool et les armes.
Les éditeurs de ces sites ne pourront donc plus s'enrichir sur le dos des plateformes mais aucune des deux entreprises n'explique en revanche comment elle compte trier les informations à l'avenir pour empêcher ces contenus d'être publiés. D'après le New York Times et de BuzzFeed, la position de Mark Zuckerberg lui vaut désormais une défiance en interne. Une douzaine d'employés de Facebook se questionnant sur le rôle joué par l'entreprise dans l'élection de Donald Trump aurait constitué un groupe de travail. Car à l'heure où une majorité d'Américains utilisent Facebook pour s'informer, le réseau social ne peut plus fuir ses responsabilités.