C'est un procès atypique, celui d'une mère jihadiste pour "financement du terrorisme", qui s'est ouvert mardi 5 septembre. Il pose de nombreuses questions. Elles touchent autant à la responsabilité de la famille, qu'à la différenciation entre assistance et caution, et à ce que la justice peut accepter de l'amour familial dans ces cas. Peut-être que son verdict pourra y répondre clairement.
Nathalie Haddadi, aux côtés de son fils cadet, comparaît devant le tribunal correctionnel de Paris. Accusée de "financement du terrorisme", la justice lui reproche d'avoir acheté des billets d’avion et envoyé des mandats cash à son fils aîné, un individu radicalisé qui a rallié la Syrie en 2016. Ils risquent jusqu'à 10 ans de prison.
Cette mère, une conseillère commerciale de 42 ans qui vit à Lingolsheim, près de Strasbourg dans le Bas-Rhin, affirme n'avoir jamais eu connaissance de l'usage des fonds envoyés, ni des futurs desseins terroristes de son fils. Celui-ci, selon les affirmations de l'accusée, serait décédé durant l'été 2016. Un appel anonyme passé via l'application de messagerie Viber l'en aurait informée évoquant une mort "en martyr".
Dans des propos rapportés par Le Parisien, Maître Matthieu Juglar, l'avocat du fils cadet, donne un avis bien tranché sur ce procès et en soulève les enjeux : "Apporter un secours financier ne revient pas à cautionner les actes terroristes. Ils ont agi par devoir familial. Mais puisqu’on ne peut plus condamner un mort en Syrie, on va s’attaquer à sa famille, comme s’il s’agissait de les faire payer !", considère-t-il. Dix-huit mois d'emprisonnement ont été requis. Le procureur a également requis un mandat de dépôt à son encontre, c'est à dire son incarcération immédiate. Le jugement sera rendu le 28 septembre.
De son côté, Nathalie Haddadi avoue ne pas être inquiète "mais en colère", a-t-elle également déclaré. "J’ai perdu mon fils. Ce jour-là, c’est comme si on m’avait ouvert la poitrine à vif. Et je me retrouve devant ce tribunal. J’ai le sentiment d’être à terre et que l’on continue à s’acharner."
Le parcours de radicalisation de son fils est somme toute classique et inclut la case prison. Trafiquant de drogue, il se radicalise en 2014 dans la maison d’arrêt de Strasbourg. Sa mère se décrit pourtant comme "musulmane non pratiquante" et avance que "personne ne faisait la prière chez nous". Le fils radicalisé aurait relié la France à la Syrie, en passant par l'Allemagne, la Malaisie, puis les Émirats arabes unis, l'Iran, et enfin la Turquie, pays frontalier de la Syrie.
Au cours de son périple, initialement présenté à sa famille comme des vacances, il aurait prétexté une contravention pour non-port du casque sur un deux-roues et une hospitalisation suite à une agression en Malaisie pour demander de l'argent à sa mère. En incluant le billet d'avion (850 euros), il aurait en tout perçu quelque 5 500 euros d'elle.
Quelques jours après lui avoir intimé de rentrer, elle obtient les dernières nouvelles de son fils. Il est déjà en Syrie. "Pardonne-moi maman, je t’aime, mais j’aime Dieu plus que toi". Ce sont les derniers mots que cette mère a entendu prononcé par la voix de son fils.
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