Les crimes contre l'environnement doivent-ils devenir des crimes contre l'Humanité ? L'idée fait son chemin. "Il faut qu'on puisse traduire un pollueur ou un destructeur de biodiversité devant un tribunal international", plaident plusieurs ONG, puisqu'ils portent atteinte aux "biens communs de l'Humanité". La Cour pénale internationale, qui a été inventée pour juger les plus grands criminels, reconnait aujourd'hui quatre crimes, dont le génocide et le crime de guerre. Il faut désormais qu'on ajoute le "crime contre l'environnement", expliquent ces associations. Elles ont inventé un mot choc pour qualifier ce crime : "l'écocide", contraction d'"écologie" et de "génocide".
En France, c'est la juriste militante Valérie Cabanes, spécialisée dans le droit international, qui porte cette idée. "Aujourd'hui, il y a besoin d'un gendarme international qui serait un juge international permettant de discipliner le comportement des pollueurs qui refusent de se lancer dans une transition énergétique", plaide-t-elle. "Je pense que nous sommes mûrs pour reconnaître cette notion", poursuit-elle. "Si vous avez un panneau qui vous dit qu'il faut rouler à 50 kilomètres/heure, vous aurez peu de monde qui roulera à 70 ou à 100. Si vous n'avez pas de panneau du tout, cela laisse libre cours à des comportements dangereux pour tout le monde. Et aujourd'hui il n'y a pas de panneau", argue-t-elle.
Le mouvement "écocide" milite pour qu'on créé un "panneau" qui fasse peur aux pollueurs et à ceux qui font de l'argent en détruisant l'environnement. À notre avis, cela ne va pas être simple. La France craint, par exemple, d'être attaquée puis empêchée d'exporter ses centrales nucléaires. Dans les ministères, on est clairement contre. Cela peut néanmoins se faire sans les puissances nucléaires. Il faudrait modifier les statuts de la Cour pénale internationale existante ou alors créer un "tribunal spécial pour l'environnement".
Il a fallu des années de négociations homériques pour créer la Cour pénale internationale, qui n'a vu le jour qu'en 1998. Cela peut prendre des années. Face à cet argument, l'ex-ministre de l'Écologie Corinne Lepage réplique : "Regardez, quand on a commencé à parler de la Cour internationale pour juger les crimes contre l'Humanité, personne n'y croyait. D'une manière ou d'une autre, le crime contre l'environnement sera reconnu au niveau international".
Aujourd'hui, les outils juridiques se renforcent. La France est d'ailleurs en avance. Mais prenez la catastrophe du "Probo Koala", un cas d'école du crime environnemental. Cela s'est passé en 2006 en Côte d'Ivoire. Il y a eu sur le coup une vingtaine de morts, mais surtout au moins 70.000 personnes empoisonnées en respirant des gaz émanant de déchets toxiques. Un navire était venu vider ses résidus dans le port et les décharges d'Abidjan.
Équipage russe, navire grec immatriculé au Panama, affrété par des Hollandais. Autant dire que les responsables n'ont pas été condamnés pénalement. "Ce ne serait plus le cas s'il existait un tribunal spécial pour l'environnement", certifie Laurent Neyret, professeur de droit.
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