"J’ai l’impression que tout cela est irréel. J’ai l’impression que je fais un cauchemar et que je vais finir par me réveiller". C'est par ces mots que la femme de Chérif Kouachi s'est exprimée le mercredi 7 janvier. Quelques heures après la fusillade de Charlie Hebdo, Izzana mais aussi Soumya et Aïcha sont interpellées par la police. Les veuves et la sœur des terroristes ont livré leurs témoignages. Des témoignages auxquels ont eu accès les journalistes du Monde.
Imaginez que la personne avec qui vous vivez a pu tuer douze personnes ; c'est impossible
Soumya Kouachi
Placées en garde à vue pendant 76 heures, les trois jeunes femmes passent progressivement du déni au "cauchemar" alors que la traque contre les frères Kouachi s'intensifie en France. Trois jours au bout desquels, le 10 janvier, elles apprennent la mort de leur mari, beau-frère ou frère. Au 36 quai des Orfèvres pour Izzana, ou à Reims pour Soumya, la situation est identique. "Imaginez que la personne avec qui vous vivez, vous vous réveillez chaque matin, vous rigolez, vous jouez, a pu tuer douze personnes ; c'est impossible", déclare cette dernière alors que Saïd était parti rejoindre son frère à Gennevilliers, le 7 janvier au matin.
Les auditions ont rapidement tourné autour de la radicalisation des frères Kouachi. Aïcha, la sœur des deux terroristes, parle d'une "vision sectaire de l'islam". "Radical, je trouve le mot péjoratif, mais sectaire oui, c'est certain. Ils étaient très racistes envers tous ceux qui n'étaient pas musulmans et arabes", a expliqué la jeune femme de 33 ans. Le premier à avoir basculé dans ce fondamentalisme ? Chérif. "Il est différent de nous, il cherche une figure paternelle". Des propos loin de ceux tenus par Izzana qui parle d'un "islam tout à fait normal".
Ils menaçaient de faire sauter la maison de mes parents si je ne faisais pas ce qu'ils me demandaient
La demi-soeur
Une quatrième jeune femme, présentée comme la demi-sœur, a ,elle, toujours rejeté le sectarisme des deux assassins. "Je me souviens de pas mal de coups de fil de leur part quand j'avais 9-10 ans pour me dire qu'il fallait que je devienne musulmane. Ils menaçaient de faire sauter la maison de mes parents si je ne faisais pas ce qu'ils me demandaient (…) Quand je suis devenue majeure, ils voulaient me récupérer pour que j'habite avec eux. J'ai toujours refusé. Parce que je savais qu'ils étaient à fond dans la religion et moi je ne voulais pas y entrer. Je mange du porc et je savais que si j'entrais dans ce truc ça allait mal se passer".
Non, on ne tue pas pour un dessin, il a pensé qu'à sa gueule Chérif
Aïcha Kouachi
Mais c'est bien Aïcha qui ira encore plus loin, pointant du doigt l'égoïsme de ses frères. "Non, on ne tue pas pour un dessin, il a pensé qu'à sa gueule Chérif, il m'a appelée trois jours avant, c'est hypocrite. Saïd n'a pas pensé à sa femme", a-t-elle lancé aux enquêteurs, les larmes aux yeux.