La condamnation de Serge Atlaoui a sensibilisé la France au sujet de la peine de mort en Indonésie. Accusé de trafic de drogue, le Messin est aujourd'hui en attente de son exécution alors que François Hollande et son gouvernement essayent de faire pression sur les autorités indonésiennes.
Depuis le début de l'année 2015, 14 personnes, dont 12 étrangers, ont été fusillées en Indonésie. Toutes étaient condamnées pour trafic de drogue. Un chiffre en forte hausse par rapport aux précédentes années.
Comment expliquer cette augmentation ? L'association Ensemble contre la peine de mort pointe du doigt l'intransigeance du président Joko Widodo, élu en octobre 2014, qui aurait "besoin d’imposer et de légitimer son gouvernement face aux oppositions et pressions intérieures" et qui "essaye de casser l'image de mollesse qui lui était attribuée pendant la campagne électorale".
Le prédécesseur de Joko Widodo, Susilo Bambang Yudhoyono, avait été accusé de faiblesse en graciant plusieurs condamnés. Aussi durant la campagne électorale, l'actuel président avait mis en avant sa fermeté. Attitude qu'il nourrit alors que sa coalition n'a pas la majorité au Parlement.
Par ailleurs, "les pressions ouvertes des gouvernements étrangers dont les ressortissants ont été condamnés à mort l’ont incité à durcir sa position, souligne Delphine Alles, professeur à l'Université Paris Est-Créteil et spécialiste de l'Asie du Sud-Est. Il est en effet confronté à une opinion publique qui ne comprendrait pas un recul face à des puissances extérieures, sur un thème présenté comme une priorité nationale".
Car le trafic de drogue est un sujet sociétal d'importance dans le pays. Joko Widodo a plusieurs fois parlé "d'état d'urgence" pour qualifier la situation de l'Indonésie face à la consommation de drogue. "Pus de deux millions d'habitants - sur une population de 212 millions - sont considérés comme dépendants de la drogue, selon des statistiques de la police", explique l'association Ensemble contre la peine de mort. Les autorités avancent les chiffres de 40 à 50 décès par jour, "des estimations surévaluées, selon les associations engagées sur le sujet", indique Delphine Alles.
"Ce surcroît d’attention se traduit par une politique quasi-exclusivement répressive, explique cette dernière. On estime actuellement que 60% des 12.000 prisonniers enfermés dans les prisons de Jakarta le sont pour consommation, possession ou trafic de drogues. La répression ne s’accompagne pas du développement d’infrastructures de santé permettant l’accès aux soins et la réhabilitation des consommateurs dépendants, ou de mesures ciblant des populations particulièrement fragiles comme les enfants vivant dans la rue."
Cette fermeté de Joko Widodo face au trafic de drogue est soutenue par la population. Les Indonésiens sont majoritairement pour la peine capitale et d'autant plus pour ce motif. Le président a d'ailleurs justifié son refus de gracier les condamnés par le fait qu'il appliquait la loi voulue par le peuple. "Tout espoir de transformation de la législation indonésienne sur [la peine de mort] repose donc sur une évolution de l’opinion publique, à la faveur d’un engagement renforcé de la société civile", conclut Delphine Alles.