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Transport routier : le pavillon français est en train de disparaître
REPLAY / ÉDITO - Le pavillon français, c'est-à-dire l'activité des chauffeurs français, est en train de disparaître. Le transport routier tricolore ne représente actuellement que 10% de l'activité européenne.
François Lenglet
Crédit : Damien Rigondeaud
Patronat et syndicats du transports routiers se retrouvaient mardi 20 janvier matin pour parler augmentation de salaires et tâcher de mettre fin au conflit, alors de nombreux barrages perturbaient toujours la circulation sur les routes du pays.
Le syndicats demandent 5% d'augmentation, après deux années blanches, ainsi qu'un treizième mois. Pas question de telles hausses pour les patrons, qui s''étranglent devant ces chiffres.
Rien que de très classique, pourrait-on dire, dans cette confrontation. Ce qui l'est beaucoup moins, c'est la situation du transport routier français, avec des difficultés qui expliquent en large partie ce conflit salarial.
La France "cabotée"
Ce que l'on appelle le "pavillon français" est tout bonnement en train de disparaître au profit des Polonais, des Espagnols et des Roumains. Il y a quinze ans, le transport routier français comptait pour moitié de l'activité européenne. Aujourd'hui, c'est 10% seulement.
On a ouvert les frontières en autorisant le "cabotage". Un transporteur étranger livrant en France peut effectuer, dans la foulée de cette livraison, trois opérations sur le sol national aux conditions financières de son point de départ initial. Ainsi, un camion polonais, après avoir déchargé en France, peut fournir trois prestations aux conditions tarifaires polonaises.
Des bourses électroniques se sont mises en place, qui permettent aux chauffeurs européens de récupérer le fret français. La France est d'ailleurs devenue le pays le plus "caboté" d'Europe. Notre transport routier a donc perdu plus de 20.000 emplois.
Coûts et charges sociales élevés
La géographie explique cette prise d'assaut. Nous avons une place centrale entre le sud et le nord de l'Europe, ainsi qu'une grande façade maritime.
Mais il y a aussi des coûts élevés. Selon le rapport du sénateur communiste Éric Boquet, publié à la mi-2014, un chauffeur français coûte 46.000 euros par an, contre 26.000 pour un Espagnol et 20.000 pour un Polonais.
Cette différence s'explique d'abord par les charges sociales, plus élevées chez nous, et par le temps de travail, supérieur de 30% en Pologne. C'est sans compter aussi la concurrence des véhicules de moins de 3,5 tonnes, qui n'est pas du tout réglementée et qui ajoute encore à la pression sur les transporteurs.
Le transport routier, c'est un concentré des problèmes de compétitivité français
François Lenglet
Du coup, les "petits" sont étranglés, et les "gros" français pratiquent la délocalisation, en mettant en place eux-mêmes des filiales en Pologne qui viennent "caboter" en France ou en recrutant des chauffeurs étrangers.
Pourquoi donc avoir ouvert les frontières alors qu'il existait de telles disparités ? C'était l'euphorie du début des années 90. Avec la constitution du grand marché unique, on imaginait que la croissance permettrait d'absorber la concurrence. Et entre-temps, l'Europe s'est élargie à de nouveaux pays à l'Est, avec des salaires encore plus faibles.
Le transport routier, c'est un concentré des problèmes de compétitivité français. Du coup, on comprend bien la frustration de chauffeurs français qui n'ont pas été augmentés depuis des années. Mais pour autant, dans un tel cadre, les marges sont faibles.
