Le Sud-coréen Samsung Electronics a enjoint, mardi 11 octobre, l'ensemble de ses partenaires mondiaux de mettre fin à la vente et aux échanges de son Galaxy Note 7, après que des modèles déjà remplacés ont pris feu. C'est un séisme pour l'industriel coréen. Samsung, c'est plus qu'un industriel coréen : c'est la Corée elle-même. Le groupe fait près de 250 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Il compte pour 17% des exportations.
Il possède aussi 74 branches industrielles différentes : les téléphones mobiles bien sûr, où il est numéro un mondial (avec 320 millions d'unités vendues l'année dernière), mais aussi les appareils ménagers, la chimie, les machines-outils, l'assurance-vie, les chantiers navals, l'armement et le BTP (le groupe a construit l'une des tours les plus hautes du monde, la Burj Khalifa à Dubaï). C'est ce qu'on appelle un chaebol, l'un de ces gigantesques conglomérats diversifiés qui ont été les artisans de l'extraordinaire succès économique de la Corée du Sud dans les 30 dernières années.
C'est le premier accident industriel de cette taille. Le Galaxy Note 7 devait contrer l'offensive du rival de Samsung, Apple, qui lançait au même moment son iPhone 7. C'est raté. Cela va coûter des milliards à l'entreprise, qui avait investi énormément sur ce produit. Mais ça ne la tuera pas. Elle affronte en ce moment un autre défi, celui de la succession, du passage de la deuxième à la troisième génération de patron.
Samsung est une entreprise familiale. Elle a été fondée durant les jours parmi les plus noirs de la Corée, en 1938, lorsque le pays vivait sous le joug de l'occupation japonaise. C'est à ce moment là que monsieur Lee fonde un commerce dans une boutique de poisson séché. La Seconde Guerre mondiale intervient. Puis la Guerre de Corée, qui voit la partition du pays en deux moitiés, en 1953. Les communistes investissent le Nord. Au Sud s'installe une dictature militaire soutenue par les Américains, qui y maintiennent une très forte présence militaire.
C'est à l'ombre de ce climat explosif que Samsung se développe, en collusion avec les dirigeants politiques locaux, sur le modèle des zaibatsus (les conglomérats japonais). Dans les années 1980, la Corée du Sud était ce qu'on appelait un pays sous-développé. Il est devenu l'une des principales puissances industrielles d'Asie grâce aux chaebols, devenus des machines à exporter. Ceux-ci réussiront grâce à un protectionnisme sans faille et aussi, il faut le dire, grâce au travail acharné des Coréens.
S'il y a un problème de succession, c'est tout simplement parce que le fils du fondateur (l'actuel patron, monsieur Lee fils) a eu une attaque cardiaque en 2014. Son propre fils, le troisième monsieur Lee, est destiné à prendre la succession, mais dans des conditions assez opaques qui provoquent la grogne des actionnaires. Le petit-fils du fondateur a été l'homme du contact avec la Silicon Valley. C'est grâce à lui que Samsung vend à Apple d'innombrables composants électroniques, alors qu'ils sont concurrents. Il a d'ailleurs été le seul dirigeant asiatique a avoir été invité à l'enterrement de Steve Jobs, le fondateur d'Apple, en 2011.
Il lui reste aujourd'hui à installer Samsung dans les nouveaux territoires que sont père avait identifiés (l'intelligence artificielle, les biotechnologies, l'Internet connecté), qui signeront sans doute une nouvelle étape de l'ascension de Samsung et de celle du Pays du matin calme.
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