Le prix du pétrole poursuit son ascension
ÉDITO - Alors qu'il s'effondrait il y a encore quelques mois, le prix du pétrole a connu une accélération ces derniers jours. Qu'est-ce qui peut justifier de tels mouvements sur les cours ?
La remontée est spectaculaire. Le baril est à 52 dollars environ. C'est exactement le double de ce qu'il valait le 20 janvier dernier, où il était à 26 dollars. En quatre mois, la valeur du pétrole a doublé, alors que les conditions de marché n'ont pas fondamentalement changé. Selon la théorie, c'est le rapport entre l'offre et la demande qui fait bouger les prix. S'il y a plus de demande que de barils en production, les prix montent.
À l'inverse, si l'offre de pétrole est trop forte, c'est-à-dire qu'on produit trop, les prix chutent. C'est ce qui s'est passé début 2016, avec le retour du l'Iran, un très gros producteur, sur le marché, et la montée en puissance des États-Unis, avec leur pétrole de schiste. C'est cela qui pouvait expliquer la baisse.
En réalité, l'offre et la demande n'expliquent que les variations de long terme. Mais d'autres raisons interviennent pour faire bouger les prix. La plus importante, c'est la spéculation. Il y a en fait deux marchés différents pour le pétrole. Il y a d'abord le marché réel, qu'on appelle "physique". On y achète des barils, des cargaisons d'or noir, il y a des transactions et des livraisons.
L'autre marché, quinze à vingt fois plus important, est un marché virtuel. On y achète ce que l'on appelle du "pétrole papier", c'est-à-dire une promesse de livraison, à trois mois ou à cinq ans. D'innombrables fonds spéculatifs interviennent sur ce marché, juste pour y faire de l'argent. Ils doivent en faire énormément en ce moment, avec le doublement des cours. Ce sont eux qui augmentent la volatilité des cours, c'est-à-dire l'ampleur des mouvements, à la hausse comme à la baisse.
Plus vous avez d'intervenants, plus vous avez de mouvements forts
François Lenglet
Peut-on interdire cela ? C'est ce que voulaient faire Nicolas Sarkozy et son conseiller, Henri Guaino, il y a quelques années, sur les matières premières, en estimant qu'"on ne doit pas spéculer sur les biens fondamentaux". Le problème, c'est que la spéculation est inhérente à tout marché libre. Dès qu'il y a une nouvelle qui peut impacter les cours (le retour de l'Iran, par exemple), tout le monde vend, pas forcément par désir d'amasser de l'argent, mais par crainte de perdre. Plus vous avez d'intervenants, plus vous avez de mouvements forts.
La vraie solution de remplacement, ce serait un marché complètement administré, avec des prix contrôlés ou même fixes. Mais cela demanderait une coordination internationale des pays producteurs de pétrole, et même une discipline collective qu'on n'a pas vue depuis bien longtemps. Chacun espère toujours tirer avantage du marché libre.
Si le prix de l'essence augmente à la pompe depuis quelques jours, c'est à cause en partie de la hausse des cours du baril. Mais il y a aussi les répercussions de la crise sociale. Certains distributeurs ont manifestement profité de la grève pour augmenter sensiblement leurs marges, ce qui explique aussi la poussée des prix constatée depuis une quinzaine de jours.
