Les travailleurs détachés, c'est un système vicié et vicieux. Il permet à des travailleurs roumains ou polonais de travailler en France et dans toute l'Union européenne, non pas avec les charges sociales du pays d'accueil, mais avec celles du pays d'origine, moins coûteuses. Ce qui exerce une concurrence déloyale, en France même, vis-à-vis des entreprises qui emploient des Français ou des étrangers installés en France et travaillant aux conditions françaises. Par exemple, dans le bâtiment ou l'agriculture, deux secteurs qui utilisent beaucoup les travailleurs détachés.
L'idée d'Emmanuel Macron, c'est d’abord de limiter le détachement à un an, de prévoir pour les personnes concernées des avantages sociaux qui réduiraient l'écart avec les salariés aux conditions françaises, et de lutter plus sérieusement contre les fraudes. Il y aurait, en effet, 250.000 travailleurs clandestins chez nous, à peu près autant que de détachés officiels. Avoir mis en place un tel système est incompréhensible. Probablement qu'une idéologie libre-échangiste prévalait à la Commission il y a dix ans, au mépris des réalités sociales et économiques les plus élémentaires.
Les pays de l’Europe de l'Est y tenaient beaucoup, eux, parce qu'ils y voyaient une sorte de contrepartie. Les entreprises de l'Ouest rachetaient leurs entreprises à bon compte, grâce à la différence de prix et de compétitivité, et eux pouvaient envoyer des travailleurs chez nous.
Emmanuel Macron a-t-il une chance de réussir ? Sur le papier, non. Justement à cause des pays de l'Europe orientale, qui font jusqu'ici un blocage. Le texte doit être à nouveau examiné le 15 juin prochain. Mais la messe n'est pas dite. D'abord ça bouge un peu chez les Slovaques et les Tchèques, qui sont eux-mêmes de plus en plus concurrencés par l'arrivée de travailleurs venus de l'Est, hors Europe, d'Ukraine et de Serbie. C'est l'arroseur arrosé.
Ensuite parce qu'Emmanuel Macron possède un capital politique important en Europe. C'est le nouveau, il a été élu avec une forte majorité et, surtout, il est européen. Autrement dit, il est écouté. Ce sera d'ailleurs la première fois qu'un président français utilise son capital politique de départ non pas pour aménager les règles budgétaires et faire autoriser un déficit français, mais pour s'attaquer à un vrai problème.
Certains dirigeants européens, à l'Est en particulier, lui reprochent de céder aux sirènes populistes. Ce n'est pas très sérieux. C'est justement en luttant contre les dérives de l'Europe qu'on peut réconcilier les Français avec le projet. Aujourd'hui, l'Europe est perçue comme nous exposant à la concurrence et à la mondialisation. À la brutalité, pour résumer.
Pour les Français, l'Europe diminue les protections, à commencer par la protection des frontières. Ce n'est qu'en partie vrai, mais ça n'est pas faux pour autant. Et surtout, c'est la réalité de la perception par les Français. Emmanuel Macron ambitionne de changer cette perception, justement pour aller plus loin dans l'intégration. Et ça commence par les travailleurs détachés.
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