La sphère jihadiste en France représente environ trois mille personnes, a révélé le Premier ministre Manuel Valls mercredi 21 janvier, mais pour les services spécialisés il est impossible, voire inutile, de tous les surveiller de la même façon.
Entre les anciens membres de filières irakiennes ou afghanes, condamnés puis libérés de prison, les apprentis-jihadistes rêvant de rejoindre en Syrie les rangs du groupe État islamique, ceux qui y sont allés et sont revenus et les cyberjihadistes qui se contentent depuis leurs chambres de relayer les appels à la guerre sainte, ce groupe présente des profils différents qu'il faut évaluer en permanence, au risque de se tromper.
Il ne faut pas croire que nous pourrons toujours parer tous les coups.
Une source antiterroriste
"La tâche est immense, et il ne faut pas croire que nous pourrons toujours parer tous les coups" confie, sous couvert de l'anonymat, une source antiterroriste. "Et comme l'ont montré les frères Kouachi, le fait d'être connus des services n'empêche pas des auteurs potentiels d'attaques de passer au travers des mailles des filets. L'homme qui a égorgé un militaire britannique à Londres ou l'auteur de l'attaque de Sydney étaient également connus des services de leur pays, ce qui ne les a pas empêchés de passer à l'action."
Les services antiterroristes vont continuer à faire ce qu'ils ont toujours fait : établir une liste de suspects, classés par ordre de dangerosité supposée décroissante, et la gérer en permanence.
Trois mille suspects, "c'est le chiffre de ceux qui sont dans nos radars", ajoute une source policière, précisant que seules certaines cibles, qui présentent des profils de jihadistes déterminés, sont surveillées "comme le lait sur le feu". "En fait, c'est comme un tamis à plusieurs tailles", explique Eric Denécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R).
Il faut une vingtaine d'agents pour surveiller une cible 24 heures sur 24.
Eric Denécé, directeur du CF2R
"Au premier niveau, quand on a un nom, on commence par voir s'il apparait dans d'autres enquêtes, d'autres missions de surveillance. Si c'est le cas, on le relie à un réseau. Si ce n'est pas le cas, on regarde les fichiers administratifs : il travaille ou pas ? Il touche le chômage ? Est-il sorti du territoire, combien de fois ? On échange avec les alliés pour voir s'il apparait dans des bases de données étrangères, on regarde son compte en banque..."
"Puis il y a une autre taille du tamis : si le client semble sérieux, on peut passer aux écoutes. Et si on découvre des choses inquiétantes, on peut décider un suivi de terrain. Avec une limite évidente : il faut une vingtaine d'agents pour surveiller une cible 24 heures sur 24", ajoute-t-il. "Entre-temps le gars peut être convoqué par la police, pour lui dire : 'On a repéré ton petit jeu, faut te calmer...'"
Il y en a peut-être (...) une quarantaine vraiment surveillées en permanence.
Eric Denécé, directeur du CF2R
"Ce n'est pas trois mille personnes surveillées en permanence", nuance-t-il. "Il y en a peut-être 1.500 au niveau 1, environ 500/700 au niveau 2, 250 au niveau 3 et peut-être une quarantaine vraiment surveillées en permanence."
Certains membres de la mouvance radicale, surtout ceux qui se savent surveillés, ont montré qu'ils avaient appris les règles de la clandestinité et savaient, pendant des mois et des années s'il le faut, comme les frères Kouachi, disparaître des écrans radar pour frapper quand on ne les attend pas.
"En plus les écoutes téléphoniques ont leurs limites", précise Eric Denécé. "Il suffit d'aller voir le gamin du coin de la rue, qui fait le guet pour le trafic de drogue, et lui dire : 'Tiens, voilà 100 euros, va acheter un téléphone et une ligne et tu me le rapportes'. Ils l'utilisent pendant trois mois puis ils recommencent. Sans une surveillance de terrain, pas facile à tracer".
Le renforcement des services spécialisés annoncé mercredi devrait se concrétiser rapidement, notamment sur les moyens humains, mais "ensuite il faut les former, d'autant que nous avons besoin de spécialistes, en informatique, en dialectes... cela peut prendre des années", conclut la même source policière.
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