Présentée comme une pionnière de la lutte anti-radicalisation, Sonia Imloul est jugée ce lundi 13 mars par le tribunal correctionnel de Paris pour détournement de fonds publics, blanchiment et travail dissimulé. Celle qui a créé et dirigé la "Maison de la prévention et de la famille" à Aulnay-sous-bois, une structure destinée à désendoctriner les jeunes séduits par le discours de Daesh et apporter un soutien aux familles devra notamment se justifier sur les 35.000 euros de subventions aujourd'hui disparus. Cette affaire pose par extension la question de la manière dont les autorités ont organisé cette lutte contre la radicalisation. Sont-elles allées trop vite ? Ont-elles fait appel aux bons interlocuteurs ?
Pour Samia Maktouf, le jugement de Sonia Imloul est révélateur. "L'État n'a pas préparé ces associations, ne s'est pas inquiété de savoir si elles avaient un savoir-faire, si elles avaient les moyens et l'expérience du terrain pour faire face à ces jeunes radicalisés". "Avoir à juger une personne sur qui l'État s'est déchargé, c'est très facile", estime l'avocate au barreau de Paris.
"C'est en 2014 qu'on a commencé à parler de cellules de déradicalisation, que l'État s'est déchargé sur des acteurs de la société civile. C'est à ce moment-là qu'il a subventionné et abandonné. On a travaillé à la hâte, trop vite", regrette-t-elle. Pour l'avocate, il aurait fallu "préparer le socle" et surtout "ne pas se désengager totalement, parce que le suivi ne peut être réalisé que par l'État, notamment par le suivi des services de renseignement intérieurs et extérieurs", explique Samia Maktouf.
Pour chacun (des jeunes, ndlr), il faut pouvoir dessiner une trajectoire et une sortie de la radicalité qui leur correspond
Serge Héfez, pédopsychiatre
Mais concrètement, comment peut-on agir dans cette lutte contre la radicalisation et qui peut mener cette mission ? "Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que les jeunes qui se retrouvent sous la bannière de Daesh viennent tous d'horizons très différents, ont des motivations différentes et des profils psychologiques très différents", rappelle le pédopsychiatre Serge Héfez, qui dirige une consultation de déradicalisation à l'hôpital de la Pitié-Salpétrière à Paris. Pour lui, on ne peut qu'être efficace en faisant du cas par cas. "On ne peut pas mettre en place le même processus pour des délinquants qui veulent en découdre et ont cette volonté de tuer, et pour des jeunes un peu paumés", explique-t-il. "Pour chacun, il faut pouvoir dessiner une trajectoire et une sortie de la radicalité qui leur correspond".
Le pédopsychiatre affirme que le rôle de l'État est essentiel, et qu'il y a eu des choses réussies. "Sur les choses qui restent à faire, l'État est mobilisé", assure Serge Héfez. "Concernant les enfants qui reviennent de Syrie, la Fédération française de psychiatrie est en train de voir comment sera organisée la prise en charge, qui sera comme toujours pluridisciplinaire. Elle se fera en relation avec l'aide sociale à l'enfance et la protection judiciaire de la jeunesse". L'objectif est de pouvoir permettre à ces mères "de tisser un autre lien avec leurs enfants en les aidant à sortir de la radicalité", explique le pédopsychiatre.
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