Baccarat : comment Coco Chen s'est offert la cristallerie
ÉDITO - Un groupe chinois vient de mettre la main sur une l'une des plus anciennes entreprises industrielles françaises.

La cristallerie Baccarat, installée en Lorraine, vient d'être acquise par Fortune Foutain Capital, un conglomérat chinois, pour 164 millions d'euros. Baccarat, ce sont des verres, des carafes, des vases, des lustres qui ont embelli les salons de toutes les cours d'Europe au XIXe siècle. Et même du monde, puisque ces objets d'art étaient achetés par l'aristocratie et les dirigeants politiques du Mexique, de Chine, du Japon, et de la Maison Blanche, à Washington, entre les deux guerres.
Il reste de cette splendeur révolue des objets dans le catalogue actuel de Baccarat. La série Tsar, par exemple, créée pour la Cour de Russie : le verre à eau est à 3.080 euros la pièce. Il fait 36 centimètres de haut. Si c'est un peu cher, vous avez le verre à porto, pour 1.840 euros seulement. Et vous avez aussi le vase Belle Époque pour 48.000 euros.
L'entreprise date de 1764 (c'était sous Louis XV). Elle a été fondée par un évêque de Metz qui avait la bosse du business. Elle a traversé les siècles. Elle a compté jusqu'à plus de 2.000 ouvriers verriers. C'est l'une des premières françaises à installer des comptoirs de vente sur tous les continents. Jusqu'à aboutir, il y a quelques années, dans les mains de fonds d'investissements, qui l'ont cédée aux Chinois la semaine dernière, après l'avoir modernisée et redressée.
Fortune Foutain Capital, un groupe curieux
Le luxe est un secteur de prédilection pour les Chinois. Parce qu'évidemment, même si les riches sont peu nombreux en Chine en proportion de la population, ça représente quand même un marché substantiel. Le groupe Fortune Foutain est un peu curieux. Il a été créé il y a peu par un monsieur Wang, qui se dit l'héritier d'un calligraphe célèbre d'avant Jésus-Christ. Ce monsieur Wang a des intérêts plus diversifiés que son aïeul, puisqu'il a fait fortune dans l'immobilier. Son égérie s'appelle Coco Chen, en hommage bien sûr à Coco Chanel. Elle a une trentaine d'années, et c'est elle qui sera le PDG de l'entreprise.
Ils ne vont quand même pas déménager les ateliers en Chine ? À en croire Coco Chen, pas du tout. Il s'agit de moderniser et d'investir dans les unités de production lorraines, à hauteur de 30 millions dans un premier temps. Et de l'aider à trouver de nouveaux clients - les marges les plus élevées sont faites dans le sur-mesure, pour le compte de clients asiatiques ou des pétromonarchies arabes.
Baccarat, le LVMH avant l'heure
Une question se pose : n'y avait-il pas de Français capables de racheter cela, nous qui sommes les champions du luxe ? C'est d’autant plus étonnant que LVMH, le leader français du luxe (qui possède déjà Vuitton et Dior), et groupe Arnault (la holding familiale de Bernard Arnault) étaient actionnaires indirects de Baccarat. Mais il semble que la rentabilité de l'entreprise n'ait pas été suffisante, parce que ses coûts de distribution sont très importants. Dommage, car Baccarat est une marque emblématique de l'excellence française dans le luxe.
Et c'est d’autant plus regrettable que finalement, Baccarat a été, avec quelques autres, le LVMH avant l’heure, portant un savoir-faire français sur des créneaux prestigieux et très rentables aux quatre coins de la planète.