A l'Ofpra, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, les questionnaires sont de plus en plus détaillés pour tenter de cerner le parcours des réfugiés et leur sincérité. Après les attentats de Paris et la découverte qu'au moins deux kamikazes se sont fait passer pour des réfugiés en en Grèce, l'attention est renforcée.
"Combien de temps avez-vous vécu dans le camp? Pouvez-vous me le décrire? Où est votre frère? Combien valait le pain quand vous êtes parti?" interroge l'agent de l'Ofpra. En face, Selim (le prénom a été changé), répond avec méthode. "Mon engagement était plus social que politique. Mais d'autres personnes de mon groupe ont été arrêtées et torturées. Un jour je me suis dit: le prochain c'est toi", explique-t-il en jouant avec les franges de son écharpe noire. Le jeune homme, presque adolescent encore, a apporté son passeport, un certificat de travail, et même son relevé de notes du baccalauréat, où trône une impressionnante note finale de 98 sur 100.
L'issue de la procédure semble pour lui toute dessinée, car "son cas est assez simple: sa nationalité est établie, sa crédibilité ne semble pas faire de doute..." explique Mourad Derbak, responsable de la division Europe et Moyen-Orient à l'Ofpra. Selim est typique de ces nouveaux migrants arrivés de Syrie: plutôt diplômés, issus des classes moyennes. "Le niveau d'éducation est largement au-dessus" des autres nationalités, assure Mourad Derbak. "On a un nombre d'ingénieurs incroyable".
Comme beaucoup de ses compatriotes, Selim a tenté de passer en Grande-Bretagne. "On m'a dit qu'il fallait passer par Calais, mais je me suis fait arrêter Gare du Nord. Alors j'ai décidé de tenter ma chance ici". Environ 4.300 Syriens ont demandé l'asile en France depuis le début de l'année. Avec un taux d'accord proche de 98%, au titre de réfugié (donnant droit à une carte de séjour de dix ans) ou de la protection subsidiaire (un an renouvelable plusieurs fois).
Mais les récents attentats de Paris ont jeté le doute dans les esprits, puisque deux kamikazes au moins ont réussi à s'introduire en Grèce en se faisant passer pour des réfugiés. Comment distinguer un candidat à l'asile d'un aspirant jihadiste? "Nous avons des dispositifs en place de longue date", assure Pascal Brice, le directeur général de l'Ofpra. "Dès qu'il y a une alerte, on prend tout le temps nécessaire pour examiner le dossier".
Parfois on sent que quelque chose ne colle pas
Pascal Brice
Les 310 officiers de protection de l'Ofpra, spécialisés par zones géographiques, peuvent décider de pousser plus loin leurs recherches. "Un entretien peut durer de 45 minutes à six heures, et un demandeur peut être reconvoqué deux, trois ou quatre fois", assure Pascal Brice. L'attitude lors de l'entretien, le passage par "telle ou telle région" connue pour abriter des jihadistes peuvent attirer l'attention. Mais l'expérience des officiers de protection joue aussi. "Parfois on sent que quelque chose ne colle pas. On recoupe les informations avec notre base de données, ou alors sur les réseaux sociaux..."
Le risque pour la sécurité de l'Etat est d'ailleurs une cause d'exclusion du dispositif d'asile, rappelle Pascal Brice. Mais le problème est à prendre bien en amont. L'Ofpra instruit les demandes à l'arrivée en France. Or les apprentis-kamikazes n'ont pas forcément pour objectif de solliciter l'asile. La détection ne peut donc se faire que dans les centres où arrivent les migrants, en Grèce ou en Italie, et où ils sont enregistrés par des agents locaux et des équipes de Frontex (l'agence européenne de coordination de la surveillance des frontières).
Pour l'instant, l'Ofpra intervient avec six agents mis à disposition du bureau européen d'appui à l'asile dans ces "hotspots". Mais "il n'instruisent pas la demande", souligne Pascal Brice, leur rôle se bornant actuellement à "informer les migrants" qui souhaitent bénéficier du mécanisme de répartition européen.
Bienvenue sur RTL
Ne manquez rien de l'actualité en activant les notifications sur votre navigateur
Cliquez sur “Autoriser” pour poursuivre votre navigation en recevant des notifications. Vous recevrez ponctuellement sous forme de notifciation des actualités RTL. Pour vous désabonner, modifier vos préférences, rendez-vous à tout moment dans le centre de notification de votre équipement.
Bienvenue sur RTL
Rejoignez la communauté RTL, RTL2 et Fun Radio pour profiter du meilleur de la radio
Je crée mon compte