Isabelle Morini-Bosc : "Emmanuel Maubert est devenu mon meilleur ami au fil des années"

L'une des histoires préférées d'Emmanuel Maubert concernait la cuisine. Et Rossini, un excellent compositeur qui ne composait toutefois jamais quand il s'agissait d'art culinaire. Ainsi, considérant un jour qu'un grand restaurant lui avait servi un repas beaucoup trop frugal, plus chiche que pois-chiche, il s'était vengé d'une addition "nettement-plus-salée-que-les-plats", en quittant l'établissement. "Maître, j'espère que vous nous ferez bientôt l'honneur de dîner à nouveau ici". Réponse du musicien : "Mais bien sûr. Tout de suite si vous voulez".

Oui, notre Emmanuel Maubert adorait cette histoire portant sur un secteur qui était devenu son fond de commerce, avec fond de sauce. N'animait-il pas Les Petits plats de Babette ? Ah, mon Emmanuel. En avons-nous eu, des fou-rires en écoutant les idées reçues des donneurs de leçons. C'est lui qui m'avait raconté cette boutade de l'artiste américain Dan Spencer, se moquant des programmes du câble : "Il parait qu'il existe des chaines parlant de météo 24 heures sur 24... Quand j'étais petit, on appelait ça une fenêtre."

De nombreuses anecdotes, qui ont scellé une amitié profonde

Mais je pourrais vous en raconter des dizaines, d'anecdotes qui, au fil des années, avaient scellé une amitié profonde, de ces liens qui survivent aux croche-pattes de la vie. Ah, ce jour où nous avions assuré une émission en direct du Salon de l'Agriculture avec Georges Pernoud et une magnifique vache Aubrac qui, à côté de notre studio mal insonorisé, meuglait en continu à côté de bouilleurs-de-cru complètements cuits. 

L'émission, avec ou sans Georges Pernoud, avait pris l'eau, vu que, hoquetant de rire, nous n'avions rien dit de cohérent. Globalement bienveillant, Emmanuel pouvait, comme moi, être impitoyable devant les "suffisants-insuffisants" de notre secteur, qui faisaient dire à Dumas : "Je préfère les méchants aux imbéciles, car parfois ils se reposent". Oui, mon Emmanuel était devenu mon meilleur ami au fil des années. 

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Au point que, lorsque Michel Denisot m'avait demandé à la création du Grand Journal d'intégrer son équipe de chroniqueurs en 2004, j'avais proposé à Emmanuel de "m'accompagner". Il avait travaillé à la préparation des dossiers quotidiens, mais l'année suivante, c'est avec plus d'enthousiasme encore qu'il avait accepté de me rejoindre sur RTL pour présenter chaque après-midi On refait la télé avec Sébastien Folin et moi-même. Soit une année de bonheur marquée par des centaines d'éclats de rire et de vie, qui avaient cessé avec l'émission en juin. 

Une idée commune de la télévision

Changement ensuite de saison et de maison pour Emmanuel. Nous avons alors ri avec d'autres, aussi fort, aussi bien, mais c'est en nous retrouvant sur le plateau de Pif-Paf, sur Paris Première, que nous avons compris qu'il nous restait des "tonnes d'amitié garanties grand teint en stock", nous les deux seuls journalistes-télé à penser que "couvrir les médias ne dispense pas de regarder les programmes". Ce soir, je sais qu'il aurait apprécié le téléfilm de France 2 Marjorie, le concours de pâtisserie de M6, et je l'aime pour ça aussi, lui qui me disait naguère après, déjà, une petite fatigue cardiaque : "Il ne faut jamais manquer de cœur". C'est pourtant hélas ce qui est arrivé. Nous n'aurions pas dû dire que notre amitié était "à la vie à la mort". La mort nous l'a ravi, mais c'est à vie qu'il est dans mon cœur.

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