Sylvain Tesson : "Il est bon de se plonger dans des épisodes de silence"

Sylvain Tesson publiera la semaine prochaine Sur les chemins noirs, un livre qu'il aurait pu ne jamais écrire, le récit d'un survivant. Souvenez-vous, à l'été 2014, Sylvain Tesson chute du toit d'un immeuble où, comme il l'écrit lui-même, il faisait le pitre. Coma, fractures multiples : "J'avais pris 50 ans en 8 mètres". Alors, du lit d'hôpital où il passe plusieurs mois, il se fait le serment, s'il s'en sort, lui l'arpenteur des contrées lointaines, de traverser la France à pied. Et bien, c'est cette longue marche réparatrice que Tesson raconte ici.

"Quand vous avez vécu un accident où il n'était pas absolument certain que vous puissiez remarcher, il semble que vous avez contracté une dette à l'égard de la chance que vous avez eue, à l'égard de la médecine. Et il m'a semblé que cette dette, je pouvais la payer en faisant cette marche (...) C'était l'idée qu'en arrivant au bout de mon itinéraire, je mettrais une sorte de point final, je clôturerais la parenthèse de cette mauvaise passe que j'avais vécue."

Les chemins noirs intérieurs

Et quels sont ces chemins noirs qu'emprunte Sylvain Tesson et qui donne son titre au livre ? Les itinéraires de traverse que seules indiquent encore les cartes IGN et qui l'emmènent pendant 3 mois du Mercantour à la pointe du Cotentin. Ils sont représentés dans "des cartes extrêmement détaillées" et dessinées : "des pistes rurales, des sentiers oubliés, des petites traces qui, parfois, sont à peine visibles sur le sol". Ils ont représentés "80% de son itinéraire". Ces chemins de traverse ont construit le parcours intime de Sylvain Tesson : "Ils me permettaient de marcher dans le silence et de trouver le chemin noir en moi, qui est le chemin du replis intérieur."

Cette longue marche ne répare pas seulement le corps meurtri de Sylvain Tesson, c'est aussi un chemin de reconstruction de l'âme, la quête salvatrice de soi... "Ça ne veut pas du tout dire qu'on s'extrait du monde (...) mais que de temps en temps, il est bon de se plonger dans des épisodes de silence, de solitude, de calme, et que l'on consacre à nouveau à guider à tenir en main les rênes de son existence, confie l'écrivain. C'est aussi ce qu'on appelle la liberté individuelle. J'émets une sorte d'analogie entre ces chemins noirs de la carte et du territoire, et ces chemins noirs qu'on a en nous."

Un parcours jalonné de rencontres

Sylvain Tesson signe un hymne à la beauté de terroirs et de paysages en danger, dénonce les ravages de la globalisation et célèbre les derniers occupants de ces espaces de liberté comme ce vieux Normand qui, un soir, lui offre l'hospitalité. Comme Sylvain Tesson, il était tombé d'un toit : "Pour conjurer ce coup du sort, il avait décidé de partir, tous les étés, traverser un morceau de région de France à pied." Les deux hommes en sont arrivés "à la même conclusion" : "On peut parfois, évidemment, dépasser l'adversité que l'on a vécue de temps en temps, en ne s'écoutant pas trop et en décidant de faire précisément ce qu'on ne devrait plus faire."