Les révélations sont édifiantes. Alors que la coalition annonce, à travers différentes voix, la défaite militaire prochaine et certaine de l'organisation autoproclamée État islamique (EI), certains membres du groupe auraient été exfiltrés du fief syrien déchu de Daesh, Raqqa, le 12 octobre dernier, afin de couper court aux combats et épargner la vie des Arabes, Kurdes et autres nationalités qui se battaient contre l'organisation terroriste.
D'après un reportage publié par la BBC, "Raqqa et son sombre secret", quelques milliers de personnes ont été accompagnées à l'extérieur de la ville sous l’œil des forces américaines et avec l'accord en aval de celles-ci. Après avoir assuré qu'aucun combattant de l'EI ne pourrait quitter la ville, les forces dirigées par les États-Unis ont convenu qu'il était "possible" que des jihadistes étrangers aient pu s'échapper. Les forces kurdes des FDS (Forces démocratiques syriennes), qui ont missionné les conducteurs, continuent de contester l'existence d'un tel accord. D'après le média britannique, 250 jihadistes sont concernés, ainsi que leurs 3.500 proches.
La BBC s'appuie sur des témoignages de conducteurs des poids-lourds chargés du transport, ainsi que de passeurs et jihadistes eux-mêmes, notamment un Français, Abu Basir al-Faransy, qui a décidé de prendre ses quartiers à Idlib.
La première information qui frappe les esprits européens, notamment en France, c'est la présence de jihadistes "étrangers", à savoir non irakiens ou syriens, dans ces convois. Après avoir nié cette possibilité, la coalition internationale a donc admis cette hypothèse à la suite de la publication du reportage de la BBC.
Parmi ces combattants venus d'ailleurs, on retrouve des Français en tête de liste, aux côtés d'autres Européens, Tchétchènes et Ouzbeks, selon un passeur interrogé. Les journalistes britanniques ont rencontré Abu Basir al-Faransy. Il a quitté l'ancienne capitale du califat avant le fameux convoi, mais il raconte qu'avant son départ, des "frères" ont reçu pour mission de "partir pour la France et y perpétrer des attaques lors de ce que l'on appellera le jour du jugement".
Un élément qui s'inscrit dans la menace qui pèse toujours sur la France, comme l'a rappelé le directeur de la DGSI sur l'antenne de RTL, mardi 14 novembre. Une menace aussi bien endogène qu'exogène, qui provient à la fois de Daesh mais aussi d'al-Qaïda.
Dans ces convois de milliers de personnes, la confiance n'était pas tellement au rendez-vous. La douzaine de conducteurs chargés de la mission ont d'abord été manipulés. Alors qu'on leur a promis une mission de seulement six heures, elle va plutôt s'étaler sur trois jours, dans l'un des paysages les plus dangereux du moment.
Leurs enfants et femmes avaient des ceintures explosives
Abu Fawzi, le leader du groupe de chauffeurs
Il n'y a pas que l'environnement qui est hostile. "On a eu peur à partir du moment où on est entré dans Raqqa", raconte Abu Fawzi, le leader du groupe du chauffeurs, à la BBC. À bord des 47 camions, 13 bus et plus d'une centaine de véhicules de l'EI affrétés pour l'opération, les combattants portaient leurs armes et des ceintures explosives.
"Ils ont piégés nos camions. Si quelque chose se passait mal, ils pouvaient faire exploser tout le convoi. Même leurs enfants et femmes avaient des ceintures explosives sur eux", poursuit-il.
Cette exfiltration, en échange de l'arrêt des combats et de la vie sauve des civils piégés dans l'ancienne capitale syrienne de l'EI, est le fruit de longues négociations. Un accord trouvé alors que la pression s'accentuait sur la ville. Mais le groupe terroriste n'est pas un ennemi ordinaire dans cette guerre, il a prouvé plusieurs fois qu'il ne jouait pas avec les mêmes règles.
"L'État islamique négocie jamais", rappelle la BBC dans son article qui nuance : "À Raqqa, il a agi comme n'importe quel autre perdant". Daesh a fini par plier sous la pression des bombes, comme le raconte un des membres désormais incarcéré, rencontré par la BBC. "Les bombardements nous ont mis la pression pendant au moins 10 heures, précise-t-il. Ils ont tué environ 500 à 600 personnes, des combattants et des familles".
Ces frappes aériennes auraient détruit un bâtiment où s'abritaient 35 femmes et enfants. D'abord réfractaires, des combattants effrayés par le sort de leurs familles se seraient alors résolus à négocier et accepter le pacte.
Dans la longue traversée du désert syrien, le convoi s'est arrêté dans le village de Shanine. Un commerçant est témoin de l'arrivée des jihadistes et leurs familles dans son magasin. Après des mois de combats, ils étaient "pales et avaient faim", relate l'article. "Nouilles instantanées, biscuits et casse-croûtes"... Ils ont vidé les rayons mais n'ont pas volé. "Quand il s'agit d'argent, l'EI paye ses dettes", confirme un des conducteurs.
Ils se sont aussi approchés d'un autre village. Mais là, à l'arrivée des milliers d'individus, les habitants ont fui par peur. Et la BBC de raconter que pratiquement toutes les personnes rencontrées par les journalistes rapportent que l'EI a menacé de revenir "en passant le doigt sur leur gorge". L'un des habitants du village confie qu'ils "vivent dans la terreur depuis quatre ou cinq ans".
Un des conducteurs raconte également que dans son camion, il a été menacé par des combattants qui l'ont traité "d'infidèle" et "de porc". Une femme armée d'un AK-47 l'aurait aussi menacé. "Fais nous savoir quand vous avez reconstruit Raqqa, on reviendra", aurait ainsi lancé l'un d'eux. Le combat n'est pas fini contre le terrorisme islamique.
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