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François Lenglet
Crédit : Damien Rigondeaud
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Les "salarymen", c'est l'armée des ombres, les salariés des grandes entreprises, la classe moyenne. Des dizaines de milliers de silhouettes identiques, sanglées dans leur costume bleu sombre, qui se pressent dans les couloirs du métro aux premières heures de la journée, ou au contraire tard dans la nuit. Ils travaillent douze ou treize heures par jour.
Leur journée ne se termine pas lorsqu'ils quittent l'entreprise. Bien souvent, ils ont l'obligation de retrouver leurs collègues pour dîner. La nuit venue, on les voit tituber dans les rues de Tokyo, la cravate défaite, le visage rouge et luisant à force d'avoir trop bu.
Pas question non plus de prendre des vacances. Les Japonais ont droit à une vingtaine de jours de congé, mais la plupart de les prennent pas. Au point que le gouvernement envisage de faire passer une loi pour obliger tout les employés à s'arrêter au moins cinq jours par an. Le "karoshi" - la mort par exténuation - fait des victimes régulières, longuement commentées dans les journaux.
Pourquoi un tel dévouement à leur entreprise ? C'est le fondement du contrat social japonais. Le salarié donne tout son temps. En contrepartie, l'entreprise offre un emploi à vie, avec avancement automatique en fonction de l'âge, quelles que soient les performances. Arrivé à l'âge de la retraite, le "salaryman" profite d'une pension généreuse.
Les employés apportent leurs propres lampes, pour ne pas partir avant leur chef de bureau
François Lenglet
Petit à petit, les choses changent, sous la pression des jeunes qui ne veulent plus subir les contraintes qu'avaient acceptées leurs pères. Le fabricant d'imprimantes Ricoh vient ainsi d'interdire le travail après 20 heures. Le ministère de la Santé, voulant donner l'exemple, a décidé de fermer les lumières dans ses bâtiments à 22 heures. Mais cela n'a aucun effet. Les employés ont apporté leurs propres lampes, pour ne pas partir avant leur chef de bureau.
L'emploi à vie est un statut réservé aux salariés des grandes entreprises (les Canon, Matsushita, Nissan), ces conglomérats puissants qui ont été les artisans du miracle industriel japonais. Environ 40% des Japonais ont ce statut. Les autres, salariés de la myriade de PME sous-traitantes des grandes entreprises, vivent au contraire avec des emplois précaires ou à temps partiel, avec des rémunérations et des avantages sociaux moindres. Ce sont les "salarymen" de seconde classe.
Comment les entreprises peuvent-elles assurer des emplois à vie, avec une économie en stagnation comme celle du Japon ? Justement, elles demandent à leurs sous-traitants de la flexibilité, en contrepartie d'une relation de long terme. Elles rognent petit à petit sur le confort des "salarymen".
Le salaire moyen chute depuis vingt-trois années consécutives. Il est aujourd'hui de 2.500 euros par mois, avec les bonus. La pratique de l'argent de poche, distribué pour financer les repas pris au restaurant, se raréfie. Les employés apportent désormais leur pique-nique au bureau. Les entreprises n'hésitent plus à se débarrasser de ceux qui les gênent.
Comme il n'est pas possible de licencier, on procède de façon détournée, avec le "kata tataki" (la petite tape sur l'épaule, en japonais). Le salarié visé est installé dans un bureau tout seul, coupé de l'information et de ses collègues, et on l'incite à quitter l'entreprise volontairement avec une petite indemnité.
Il n'y a quasiment pas de femmes chef d'entreprise au Japon
François Lenglet
Les femmes aussi sont citoyennes de seconde classe. Même si elles ont fait des études, elles sont souvent employées à des tâches subalternes. Leur salaire est inférieur de moitié à celui des hommes. La plupart arrêtent de travailler dès qu'elles ont un enfant, et ne reprennent que quinze ou vingt ans plus tard.
Il n'y a quasiment pas de femmes chef d'entreprise. En mars dernier, une femme a été désignée au bureau du Keidanren (le patronat nippon) pour la première fois. Son ordre de mission, selon le président : apporter de l'air frais à l'organisation. Elle a de quoi faire.
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