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Le rap et le hip-hop sont-ils assez représentés dans le cinéma français ?

DÉCRYPTAGE / INTERVIEWS - "Straight Outta Compton", le biopic sur N.W.A, fait un carton aux États-Unis. En France, les films sur le rap et le hip-hop restent confidentiels et les gros budgets se comptent sur les doigts de la main.

La rappeuse KT Gorique est à l'affiche de "Brooklyn", de Pascal Tessaud
Martin Cadoret

Côté cinéma, les amateurs de rock sont servis. Ils n'ont que l'embarras du choix entre - pour ne citer qu'eux - The Doors d'Oliver Stone, The Runaways avec Kristen Stewart, Velvet Goldmine, I'm Not There, sur Bob Dylan, et Love & Mercy, le film sur la vie des Beach Boys sorti cet été. Et même en France avec Bus Palladium, Pop Redemption avec Julien Doré. Des personnalités comme Serge Gainsbourg ou Johnny Hallyday ont aussi eu le droit à leur film (Gainsbourg, vie héroïque et Jean-Philippe). Côté rap, les fans se dirigeront immédiatement vers 8 Mile avec Eminem, Get Rich or Die Tryin de 50 Cent, Notorious B.I.G... Rares sont ceux qui pourront citer un film français centré sur ce genre musical.

Les blockbusters oubliés du rap français

Peut-on dire pour autant que le rap est aux abonnés absent du cinéma hexagonal ? Pas vraiment. Plusieurs films sont déjà sortis sur le sujet : Dans tes rêves (2005) mettait en scène le rappeur Disiz, mais aussi des vétérans du grand écran comme Béatrice Dalle ou Jean-Pierre Cassel sur une musique orchestrée par Kool Shen, la moitié du duo NTM. Coût du film : 5 millions d'euros, soit le même budget que Brice de Nice, sorti la même année. Dans tes rêves se revendiquait même comme "la première fiction rap" en France.

Akhenaton, du groupe IAM, a également réalisé Comme un aimant en 2000, mais parle plus des jeunes des quartiers marseillais qu'il ne s'intéresse à la musique en elle-même - bien que la bande-son comporte son lot de rappeurs populaires. La Haine, de Mathieu Kassovitz, et Ma 6T va crack-er de Jean-François Richet, avaient contribué à populariser au milieu des années 90 l'esthétique hip-hop au cinéma. Difficile de compléter cette liste sans parler de Qu'Allah bénisse la France, le biopic d'Abd-Al-Malik sur sa propre vie. Sorti en 2014, le film avait été sélectionné pour le César du meilleur premier film.

Une question de culture ?

Reste que les films du genre sont rares. "Le rap est un genre musical jeune, même aux États-Unis, d'où il vient", explique Mehdi Maïzi, auteur du livre Rap français : une exploration en 100 albums, et chroniqueur de l'Abcdr du son, un site spécialisé dans le rap. Début de réponse auquel il apporte un second argument : "Aux États-Unis, on adore les success-stories. Le moindre destin peut donner lieu à un film", suggère le journaliste.

À écouter aussi

"Comparer États-Unis et France n'a aucun sens", s'emporte Ékoué, du groupe La Rumeur. Avec son complice Haméil a réalisé un téléfilm pour Canal +, De l'encre, dans lequel une jeune rappeuse, Nejma, accepte de signer dans l'ombre les textes d'un rappeur plus consensuel. "Il y a une réalité que tout le monde peut comprendre : on est peut-être 70 millions d'habitants, c'est extrêmement réduit comparé au marché américain (320 millions d'habitants, ndlr). Les investissements sont faits en fonction des gens que tu touches", explique Ékoué. Hamé et lui viennent de terminer le tournage de leur premier long-métrage, Mon nom à Pigalle avec Reda Kateb et Mélanie Laurent.

Court-circuiter l'économie du cinéma

"Trop peu de films sur le hip-hop". C'est le constat que fait également Pascal Tessaud, réalisateur du film Brooklynsorti le 23 septembre dernier. Après avoir démarché quelques producteurs, il a décidé en 2013 de se lancer dans ce film tourné "en mode guérilla", sans autorisations, avec un micro-budget et une équipe de 40 personnes. "On en avait marre de ne rien faire, de subir. Et si on allait chercher de l'argent, ils nous auraient imposé des acteurs pas crédibles, on nous aurait demandé d'arrondir les angles", explique le cinéaste. Ses inspirations : 8 Mile, le film sur la vie d'Eminem, mais aussi les cinéastes new-yorkais underground comme Spike Lee (Malcolm X, Inside Man) et Marc Levin (Slam, caméra d'or du Festival de Cannes 1998).

Pascal Tessaud ne mâche pas ses mots contre le milieu du cinéma français et la sphère médiatique en général. "La musique hip-hop est la plus écoutée en France mais les décideurs sont rock, les soixante-huitards qui sont dans toutes les sphères médias sont rock. Ils n'ont pas envie de prendre de risques", s'emporte le réalisateur. Reste que Brooklyn a reçu un bel accueil critique et a notamment fait partie de la programmation de l'Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion (ACID) à Cannes, lui permettant de tourner dans nombre de festivals à l'étranger.

Vers une évolution ?

Un film sur le rap fait avec trois francs six sous qui se fraye un chemin dans les salles de cinéma, un biopic sur un groupe américain populaire qui cartonne... Même Orelsan, le rappeur caennais, prévoit de sortir son long-métrage en fin d'année. Il est permis d'imaginer que cet intérêt récent pour le rap est parti pour durer. Pascal Tessaud y compte bien. "Je pense que beaucoup de gens se retrouvent dans nos œuvres et que l'on peut changer collectivement la production du cinéma, si on arrive en masse avec de nouvelles têtes. Dans le 93, il y a l'émergence d'un cinéma de banlieue très créatif, avec un vivier de talents", s'enthousiasme le cinéaste.

"Peut-être qu'aujourd'hui, le public est prêt", lâche Mehdi Maizin de l'Abcdr du son. "Les gens auraient envie de voir NTM, Ministère A.M.E.R. (le groupe de Passi et Stomy Bugsy, ndlr). Le rap commence à avoir un patrimoine", poursuit le chroniqueur. Et face à ceux qui s'imaginent qu'un film sur cette esthétique musicale ne déplacerait pas les foules, Ékoué, de La Rumeur, se montre définitif : "Il ne faut pas prendre le grand public pour un idiot".

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