Mort de Régine Deforges : "La Bicyclette bleue", entre succès et démêlés judiciaires

Féministe, sulfureuse, effrontée, Régine Deforges, décédée le 3 avril, était à l'image de son héroïne fétiche, Léa Delmas. Elle fera vivre ce personnage d'aventure en aventure, de La Bicyclette bleue (1983) à Et quand viendra la fin du voyage en 2007.

La saga de dix livres est l'un des plus grands succès de l'édition française. Elle s'est vendue à dix millions d'exemplaires, traduite en vingt langues et adaptée sur le petit écran français avec Laetitia Casta dans le rôle principal.

L'intrigue : à l'été 1939, Léa Delmas est une jeune fille de 17 ans insouciante et capricieuse. Elle mène une vie aisée près de Bordeaux. Ses parents sont d'importants vignobles. Cette quiétude est interrompue par la guerre et l'occupation nazie.

Une passion aussi évidente que compliquée

Au cours des trois premiers romans (La Bicyclette bleue ; 101, avenue Henri-Martin ; Le Diable en rit encore), Léa est contrainte d'affronter les pires épreuves. Elle va aussi rencontrer un homme à l'aura mystérieuse, qui ne se cache pas de vouloir faire d'elle sa maîtresse.

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Elle se sent, malgré elle, attirée par François Tavernier. De cette rencontre s'ensuit toute une fresque romanesque et une passion aussi évidente que compliquée.

Dans la suite des romans, les deux héros poursuivent leurs aventures en Argentine (Noir tango), au Vietnam (Rue de la soie et La Dernière colline), à Cuba (Cuba Libre) et en Algérie (Alger, ville blanche et Les Généraux du crépuscule).

Après 25 ans à parcourir le monde, le dernier voyage de Léa et François les ramène en Amérique du Sud où ils traquent les criminels nazis échappés après la Seconde Guerre mondiale.

Ses démêlés judiciaires : "beaucoup de bruit" pour rien

L'éditeur Jean-Pierre Ramsay est l'initiateur de ces best-sellers dans les années 1980. Il propose à Régine Deforges de s'inspirer d'Autant en emporte le vent pour commencer la saga.

"J'ai trouvé que c'était une idée idiote, puis j'ai relu le roman de Margaret Mitchell, je me suis dit : 'Tiens, c'est marrant !'", racontait l'écrivain, reprise par l'AFP.

Cette trop grande ressemblance avec la trame d'Autant en emporte le vent lui vaudra quelques ennuis judiciaires. En 1987, Régine Deforges et son éditeur sont poursuivis pour plagiat par les héritiers de Margaret Mitchell.

 Après une longue procédure de six ans, l'écrivain l'emporte. "Beaucoup de bruit pour rien", dira-t-elle. 

Un travail de "flic"

Sourde au succès de son premier roman, l'écrivain continue d'écrire la suite de La Bicyclette bleue. "Je n'ai rien vu venir. J'étais enfermée dans ma petite chambre de bonne avec mes cartes d'état-major, complètement obsédée, en larmes devant le retrait de l'armée française", se remémorait-elle, citée par Le Monde.

Régine Deforges s'es avouée au départ plus intéressée par "l'histoire et la guerre" que par les personnages de sa saga. "J'invente des personnages pour les jeter dans des situations difficiles", indiquait-elle.

Pour raconter ces moments d'histoire, elle  se lance dans un véritable travail de documentation. "J'ai fait un travail de flic. J'ai décortiqué la presse de l'époque, recueilli des témoignages... Tout ce que j'ai raconté dans le premier volume est vrai", expliquait-elle.

Boudée par la critique

La romancière rencontrera même certains personnages historiques, tels que le général Giap, le vainqueur de Diên Biên Phu, ou les compagnons de Che Guevara, pour donner de l'authenticité à son intrigue 

"Sauf Fidel, souligne-t-elle. Je n'ai jamais voulu le rencontrer parce que je ne suis pas du tout d'accord avec sa politique. Je voulais garder ma liberté". 

La critique, elle, boudera les best-sellers. "En France, on ne reproche pas à ceux qui vendent des canons de gagner de l'argent, mais pour un écrivain c'est comme si c'était scandaleux", regrette Régine Deforges.