Ovidie (ancienne actrice porno, militante féministe pro-sexe devenue auteure, journaliste et réalisatrice) est partie d'une question qui semble toute simple : "À quoi rêvent les jeunes filles ?" Bien sûr, cette interrogation est en fait très compliquée. En 2015, Internet a changé notre rapport aux autres et à nous-mêmes, et, du coup, au sexe. Les sites pornographiques sont à portée de clic pour le meilleur et pour le pire tandis que les selfies sexy peuplent les réseaux sociaux. Quel est l'impact de ces nouveaux usages sur les fantasmes des jeunes femmes, et sur leur relation à leur corps ?
Ovidie tente de répondre à ces questions dans un nouveau documentaire, épaulée par de nombreux intervenants brillants. À quoi rêvent les jeunes filles ? sera diffusé dans Infrarouge, à 23h10 sur France2 le 23 juin, mais est déjà disponible sur Youtube (cf la vidéo en haut de cet article). Il est déconseillé aux moins de 16 ans.
Point par point, À quoi rêvent les jeunes filles ? pose un constat assez tragique : en 2015, malgré la libération sexuelle de la fin des années 1960, la légalisation de la pilule contraceptive et de l'avortement, les femmes ne sont toujours pas libres de leur sexualité. Elles n'ont qu'une liberté factice, influencée par des publicités aguicheuses, des clips remplis de femmes en petite tenue ou des jeux-vidéo sexistes, reprenant les codes du cinéma pornographique.
La nouvelle norme est d'assumer son côté sexy. C'est presque devenu une obligation. Les filles doivent "mettre en scène leur corps" sur les réseaux sociaux : "On est obligé. L'univers connecté dans lequel on évolue nous oblige à faire de nous des produits, à nous mettre en scène et capitaliser sur notre personne et notre corps, parce que c'est un objet comme un autre", regrette Clarence Edgard-Rosa, auteure du blog Poulet Rotique.
L'univers connecté dans lequel on évolue nous oblige à faire de nous des produits, à nous mettre en scène et capitaliser sur notre personne et notre corps
Clarence Edgard-Rosa
Au-delà des selfies, la sexualité n'est toujours pas vue comme un lieu d'épanouissement, mais une course à la performance. À la fin du lycée, les filles, sous pression, doivent avoir coché de nombreuses cases dans une liste imaginaire de pratiques sexuelles, afin de faire plaisir aux hommes, constate Ovidie avec effarement. "Quand on lit la presse pour les jeunes filles et les femmes, ce qu'on entend c'est 'Il faut apprendre à être la p*te dans votre couple.' On leur rappelle toujours qu'il faut être en couple. Donc, le premier travail est de trouver 'le bon', ensuite, de le garder par tous les moyens", détaille Michel Bozon, sociologue.
Le couple hétérosexuel restant l'exemple à suivre, la bisexualité est déconsidérée. Elle est seulement "acceptable" quand la fille a un partenaire masculin stable, et est encore l'objet de fantasmes chez nos amis masculins. "Il y a plein de jeunes femmes qui se laissent tenter par une expérience homosexuelle, pour faire plaisir ou parce que ça les rend sexuellement intéressantes aux yeux des hommes", constate Clarence Edgard-Rosa. "La société n'est pas prête à accepter une fille qui assume le fait de coucher régulièrement avec des filles", rappelle Ortie, photographe et réalisatrice porno.
La société n'est pas prête à accepter une fille qui assume le fait de coucher régulièrement avec des filles
Ortie
En effet, les femmes "se doivent" de ne pas dépasser les bornes. Il ne faudrait tout de même pas avoir l'air d'une fille facile (sic). "Tu es censée adorer la sexualité, avoir un rapport très sain avec, être hyper à l'aise et bien dans ta culotte, et en même temps, il faut quand même que tu gardes une part de maman, parce que sinon il ne reste que la p*te", résume Clarence Edgard-Rosa, interrogée par Ovidie.
Bref, la situation est désespérante. On pensait les femmes en pleine possession de leur corps et de leurs fantasmes, affranchies des clichés que la société projette sur elles, mais il n'en est rien. En 2015, les jeunes femmes doivent jongler avec des incitations contradictoires, et le casse-tête est quasi quotidien.
L'une des conséquences de ce constat est que le corps des femmes reste sous le feu des projecteurs, soumis à des attentes irréalistes. "Les jeunes femmes sont élevées à penser qu'il y a toujours un problème avec leur corps", résume Michel Bozon. "Leur apparence est toujours problématique, mais cela renvoie au fait qu'être femme est problématique. C'est-à-dire qu'elles doivent en même temps être disponibles pour les hommes et elles ne doivent pas avoir de désir propre - ne pas être une salope - et en même temps, elles doivent accepter que les hommes forment des couples avec elles sans trop leur en donner. [...] Tout le travail sur leur apparence sert à résoudre des injonctions contradictoires", conclue le sociologue, spécialiste de la sexualité.
Les jeunes femmes sont élevées à penser qu'il y a toujours un problème avec leur corps
Michel Bozon, sociologue
Résultat : les femmes considèrent encore leur corps à travers les attentes que la société y projette. Les parties intimes n'y échappent pas. Par exemple, le pubis ne doit pas être poilu, les filles ayant de plus en plus recours aux épilations intégrales. Certaines vont même jusqu'à faire opérer leur vulve, "pour la rendre plus belle" aux yeux de leur partenaire, apprend-t-on dans le documentaire. Gloups.
À quoi rêvent les jeunes filles ? ne propose pas de solution miracle pour dépasser ces contradictions, mais s'efforce de terminer sur une note positive, rappelant que les combats féministes ont encore de longs jours devant eux.
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