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ÉDITO - Droits de douane : pourquoi l'Irlande aurait-elle beaucoup à perdre en cas de conflit transatlantique ?
La bataille des droits de douane entre l'Europe et les États-Unis est de retour. Après avoir menacé d'imposer de 50% les produits européens, Donald Trump a prolongé ce lundi 26 mai la pause des surtaxes. Mais au milieu de cette guerre commerciale, un pays se retrouve complètement tiraillé : l'Irlande.
Île indépendante, plantée à l’Ouest de l’Europe, avec 5 millions d’habitants, l'Irlande pèse 3% du PIB de l’Union européenne, mais exporte massivement aux États-Unis. Elle réalise 35% de l’excédent commercial du Vieux continent sur les États-Unis, c’est-à-dire 73 milliards d’euros en 2024, sur les 195 milliards d’excédent total. Autant dire qu’elle est dans le viseur du Président Trump, qui veut réduire l’excédent européen en taxant nos produits au moyen de tarifs douaniers.
L’île, grâce au dumping fiscal, est devenu le quartier général des multinationales américaines en Europe et en particulier celles de la tech, les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple), et surtout de la pharmacie car elle possède le taux d’impôt sur les bénéfices le plus faible du Vieux continent, entre 12,5 et 15%. En France, il est de 25%.
L’Europe a bien essayé de contraindre l’Irlande à s’aligner sur la moyenne européenne, mais elle n’y est pas parvenue. Big Pharma, Pfizer, Eli Lilly, Johnson & Johnson ont donc installé sur l’île leur production de médicaments pour payer moins d’impôts, et l’exportent ensuite aux États-Unis.
90 sites industriels pharmaceutiques en Irlande
Sur le mois de février dernier, 91% des exportations irlandaises en Amérique étaient des médicaments et des produits médicaux, fabriqués pour l’essentiel par des entreprises américaines en exil fiscal. La production mondiale de Botox est par exemple localisée à Westport, sur la côte occidentale de l’île, où elle emploie 1.500 personnes.
Le pays possède 90 sites industriels pharmaceutiques, ce qui en fait le troisième exportateur mondial de médicaments. Et le paradoxe, c’est que les Américains ont développé leur présence irlandaise durant le premier mandat de Donald Trump, quand celui-ci avait pris des mesures fiscales qu’elle jugeait pénalisantes. Un comble !
Cela a fait la fortune de l’Irlande, pour l’emploi, mais aussi pour le budget. La domiciliation fiscale des multinationales rapporte tellement d’argent à Dublin, la capitale, que le budget du pays est en excédent de 16 milliards et que les politiques s’empaillent pour savoir à quoi utiliser cette manne.
Qu'aurait à perdre l'Irlande dans une bataille commerciale entre l'UE et les États-Unis ?
L’Irlande aurait donc beaucoup à perdre d’un conflit transatlantique. D’une part, elle pourrait voir les industries pharmaceutiques repartir produire en Amérique si les droits de douane imposés par Donald Trump sont élevés. Deuxièmement, s’il y a conflit, l’Europe sanctionnera les GAFA, et c’est l’autre mamelle fiscale de l’Irlande.
Cette forte dépendance pose d’ailleurs un gros problème à la Commission européenne qui a besoin du consensus des 27 États membres pour négocier avec Donald Trump. En cas de conflit, comment obtenir l’accord de Dublin pour sanctionner les États-Unis, si les intérêts irlandais sont aussi liés à l’Amérique ?
