Route du Rhum : la course des géants voilés

Ils sont tellement grands que deux d’entre eux n’ont pas pu entrer dans les bassins du port de Saint Malo. Trop larges, trop majestueux pour passer l’écluse. "Spindrift 2" s’est donc ancré à quelques encablures, près de la gare maritime, alors que "Banque Populaire VII", a préféré rester au mouillage en rade de Dinard puisqu’à l’emplacement qui lui était réservé près de l’autre géant, il touchait le fond à marée basse.

Quant aux six autres "Ultime", un peu moins grands, ils ne sont pas très loin, dans le bassin Vauban. Depuis l’ouverture du village, les dimensions gigantesques de ces huit trimarans focalisent le regard du public qui doit souvent lever les yeux au ciel pour entrevoir le haut du mat. Pour le "Spindrift 2" de Yann Guichard et même si pour la Route du Rhum il a été raccourci de six mètres, la toise est à 41 mètres, aussi haut qu’un immeuble de 14 étages ! 

Prêts à basculer dans une autre dimension

C’est la première fois qu’un multicoque de cette taille (40 m de long et 23 m de large) est engagé dans une transat en solitaire. "C’est fou je sais, mais je ne suis pas un casse-cou" explique le skipper. "Tout a été repensé pour que je mène le bateau tout seul", ajoute celui qui en dix ans est passé de la voile olympique sur un catamaran de 6 mètres au trimaran XXL.

Pour se lancer sur de telles machines, il faut donc être prêt. Tous ont multiplié les sorties en mer, tous sont passés par les séances qualificatives, de Loïck Peyron à Yann Eliès, nouveau venu dans cette classe. De son côté, Thomas Coville a même rallié Pointe-à-Pitre l’été dernier pour parfaire les réglages de son "Sodebo Ultim". "Avec ce bateau-là, j’ai l’impression d’être dans une autre dimension, dans un autre univers. Il faut rester très attentif".
 
Avec ces paramètres, les vitesses deviennent folles ce qui va pousser les skippers à beaucoup anticiper dans une mer qui sera, sans nul doute, très agitée quelque soit l’option prise. "Mais ces géants sont faits pour affronter les éléments", ajoute le très expérimenté Francis Joyon qui prend, pour la sixième fois le départ de la Route du Rhum. Deuxième en 2010, le marin au physique de bûcheron espère que ce sera la bonne à bord de "Idec Sport" avec lequel il a pulvérisé l’an passé le record de traversée de l’Atlantique Nord en 5 jours, 2 heures et 56 minutes.

Des machines à exploser les chronos

Car dans ces raids océaniques, les "Ultimes" ont déjà prouvé qu’ils étaient de véritables machines à gagner, à exploser les chronos. Peyron qui naviguera sur l’ancien "Groupama 3" de Franck Cammas vainqueur en 2010 ainsi que le niçois Sébastien Josse vainqueur de la dernière transat Jacques Vabre sur son très racé Mod70 sont là pour le prouver.

Même si le skipper d’"Edmond de Rothschild" avoue : "Je ne pars pas favori mais dans cette course, mais on est jamais à l’abri d’une belle surprise". Quant à Sidney Gavignet qui barrera le plus petit bateau de cette flotte "Ultime" il s’est mis au yoga "pour mieux dompter ma bête et ne pas abandonner sur avarie comme en 2010", aime dire celui qui a découvert la voile sur le lac d’Annecy.

Quoi qu’il en soit, tous ces skippers, affûtés et aguerris sont dans les starting-blocks à quelques jours du grand départ qui sera donné dimanche prochain. Toujours plus haut, toujours plus grand pourrait donc être la devise de cette dixième édition où les géants seront lâchés sur l’autoroute du rhum.