Isabelle Morini-Bosc : "Nous avons une obligation d'honnêteté" à l'égard de "Dossier tabou"

On le sait, "quand le sage montre la lune, l'imbécile regarde le doigt"... Pardonnez-moi, mais j'ai constamment cette formule en tête quand je vois la blogosphère et autre twittosphère réduire, ramener l'infiniment grand à l'infiniment petit, un infiniment petit ensuite démesurément grossi pour faire croire à l'existence d'une "affaire". Est-il question de remettre là en cause les nouveaux modes de communication, d'expression ? Evidemment non. 

On peut en revanche s'étonner du fait que l'on privilégie systématiquement maintenant les opinions violentes de quelques-uns, au détriment des propos nuancés d'une majorité qui se donne le temps de jauger avant de juger. Souvenez-vous de cette phrase de Lincoln affirmant que "si l'on peut tromper quelqu'un tout le temps et tout le monde un temps", on ne peut pas tromper "tout le monde tout le temps". Il faut donc espérer que vont "remonter en puissance" les citoyens raisonnables. Prenons le cas du "Dossier tabou" proposé la semaine dernière sur M6 par Bernard de La Villardière et son équipe. 

Il ne s'agissait pas d'un portrait ou d'une carte postale des musulmans de France, comme il a été dit à tort, mais d'une enquête sur "l'organisation-de-l'islam-en-France". On avait donc déjà au départ une émission qui n'était pas regardée pour ce qu'elle était mais pour ce que certains craignaient d'y trouver : des relents d'islamophobie. Avant d'aller plus loin, je précise : a) Que je ne passerai pas plus mes vacances avec Bernard de La Villardière qu'il ne passerait les siennes avec moi (franchement pas), et b) Que je n'ai pas "d'actions" dans le groupe M6, juste une envie de réaction. Parce que nous avons une obligation d'honnêteté. Moi, ce que j'ai vu, c'est une émission forcément polémique (c'est le principe) mais resituant le contexte historique et donnant surtout la parole aux représentants des différents "courants" cohabitant en France, notamment à plusieurs imams modérés, comme Abdelali Mamoun. 

Replacer les choses à leur juste place

Ce religieux laïc et républicain avait des choses à dire et les disait bien, avec ce qu'il fallait d'humour et d'humeur. A-t-il retenu ce soir-là l'attention des médias ? Evidemment non, Internet ne s'intéressant, je cite, qu'à Bernard de La Villardière interrompu dans son interview d'un imam à Sevran par des jeunes surexcités, contre-attaquant aussitôt : "C'est lui qui nous a agressés", ont-ils juré, dénonçant (entre autres) les "trucages du reportage". Et rétablissant leur "vérité-à-eux" dans des des images balancées sur un site. Et voilà le spécialiste des "enquêtes exclusives" accusé de dérive et de bidonnage. Seulement voilà, une 3ème vidéo, rendue publique par la production, montre, elle, l'équipe de M6 perturbée "en premier" dans son travail par la même bande, ces post-ados intrusifs exigeant des explications sur la présence des enquêteurs, de "Jean-Luc de La Villardière" (sic) et sur le contenu de l'entretien.

Étaient-ils menaçants ? Surtout inquisiteurs, mais était plus évidente encore l'absence d'agressivité des "M6Boys". Où était l'islamophobie dénoncée dans de nombreux tweets ? On a donc le droit de faire plusieurs remarques : primo, pas besoin d'être un "pote de Nanard" pour constater l'extrême sérieux du "Dossier-tabou". On comprend par ailleurs la colère du maire de Sevran, mais pourquoi son coup de gueule (avant diffusion) vaut-il plus que celui des parents d'enfants radicalisés de la même ville ? Eux ne posent plus de questions, ils veulent juste des réponses. Nous aussi.