Alba Ventura : "On assiste au naufrage des deux partis hégémoniques"

"La gauche peut mourir", a dit Manuel Valls samedi 14 juin, lors d'un discours devant le conseil national du Parti socialiste (parlement du PS). Le Premier ministre a clairement évoqué le risque d'une élimination de la gauche dès le premier tour de la présidentielle.

Valls voit grossir la vague des protestataires dans son camp

Il y est allé fort dans le registre de la dramatisation. On ne dit plus : "La gauche est en état de mort clinique", qui sous-entend qu'elle est maintenue en vie. Il y a effectivement la possibilité d'un nouveau 21 avril, même si la présidentielle est dans trois ans et si le PS a déjà frôlé la mort par le passé. Quand on pense que le parti est partout aux commandes (Élysée, Matignon, Assemblée, Sénat) et qu'il se retrouve troisième derrière le FN et l'UMP aux dernières élections, le risque existe.

Si Manuel Valls a tiré sa fusée de détresse, ce n'est pas seulement pour dans trois ans. C'est surtout pour maintenant. Il voit bien grossir la vague des protestataires dans son camp, alors qu'il aura besoin d'un maximum de voix de gauche pour faire passer le collectif budgétaire et la réforme territoriale. Sans oublier leur soutien sur la réforme ferroviaire ou le dossier des intermittents.

Ça tangue à gauche

Quand vous entendez les proches de Cécile Duflot dire qu'il faut "se désolidariser du gouvernement", quand les Verts annoncent déjà qu'ils ne vont pas voter le budget rectificatif, quand vous voyez les communistes rêver d'un grand front avec les écologistes et une partie des socialistes, quand ces mêmes socialistes "frondeurs" entrent dans une logique jusqu'au boutiste, on voit que cela va vraiment très mal.

Manuel Valls peut bien les traiter petit groupe par petit groupe, les appeler à la "lucidité", les inciter à être des réformateurs : à les entendre, ils sont prêts à renverser la table et à faire sécession. À gauche, ils ne sont plus dans le collectif. Plus personne ne se fait confiance. C'est comme si l'exercice du pouvoir avait fait exploser la gauche.

Deux cadavres à la renverse

Si le PS joue à la roulette russe, cela vaut aussi pour l'UMP. Si le PS ne sait plus qui il est, l'UMP ne sait plus où elle en est. À droite, on pense qu'on règle les problèmes avec un leader. À gauche, on croit encore que le collectif le sauvera. Des deux côtés, il y a des fractures. L'UMP s'interroge à nouveau sur un rapprochement avec les centristes. Le PS est secoué par des divisions entre des sociaux-libéraux et l'aile gauche du PS.

Au-delà de ces questions politiques et idéologiques, le problème du PS comme de l'UMP est de n'être que des machines à élire leurs cadres, des appareils à recaser, des systèmes reconduisant les sortants. Bref, tout ce que l'opinion rejette. Aujourd'hui, on assiste au naufrage des deux gros partis hégémoniques. Il n'y a plus seulement un cadavre à la renverse. Il y en a deux.