Le dernier otage français est libre. François Hollande a annoncé la libération de Serge Lazarevic, enlevé au Mali en novembre 2011 par Al-Qaïda au Maghreb islamique ce mardi 9 décembre. L'homme de 50 ans d'origine serbe serait désormais en route vers Niamey, la capitale du Niger, avant de s'envoler vers Villacoublay où il doit être accueilli par le président de la République mercredi en milieu de journée.
Le mystère demeure sur les conditions de sa libération. Selon le député UMP Alain Marsaud et l'expert anti-terroriste Jean-Charles Brisard, une rançon a forcément été payée à ses ravisseurs. Des spécialistes des groupes jihadistes affirment qu'un échange de prisonniers aurait également permis la libération du Français. Au plus haut sommet de l'État, on martèle depuis des années que la France ne verse jamais de rançons.
Pour éclaircir ces zones d'ombre, David Hornus, négociateur pour la société CorpGuard, spécialisée dans la protection des personnes à l'étranger, livre à RTL les dessous de l'exercice sensible que constitue la négociation pour la libération d'un otage.
"Une négociation ne se passe pas toujours aussi bien que celle qui vient de se terminer. C'est d'abord une gestion de crise, affirme le négociateur. Dès qu'un incident se produit, une chaîne d'alerte se met en place avec une équipe opérationnelle qui va très vite avoir pour mission de faire un audit de la situation pour en tirer un certain nombre d'informations et d'hypothèses. Tout ça va permettre de savoir à quelle typologie d'incident nous avons affaire. Il faut ensuite beaucoup de patience car ce sont les ravisseurs qui ont les cartes en main et définissent le tempo", continue-t-il.
Il faut beaucoup de patience dans une négociation car ce sont toujours les ravisseurs qui ont les cartes en main
David Hornus, négociateur pour la société privée CorpGuard
Les ravisseurs ne seront pas confrontés aux mêmes intermédiaires selon que les otages sont sous la responsabilité de l'État ou d'une société privée. "Il y a deux options. Pour la première, l'État du ressortissant intervient. Dans l'ambassade, la consulat du pays où ça s'est produit, un certain nombre de fonctionnaires de l'État se mobilisent. Lorsque l'intervention est privée, comme c'est le cas pour ma société, nous travaillons pour des solutions assurantielles. Le volume de personnel est tout de suite plus réduit mais la densité du travail est la même."
Dans tous les cas, le premier objectif des négociateurs est d'obtenir la preuve que l'otage détenu est toujours en vie. C'est la condition sine qua non à la suite des discussions. "Lorsqu'on parle d'une négociation menée au niveau institutionnel, il peut y avoir plusieurs niveaux de négociation avec des intermédiaires vérifiés, validés et côtés à chaque fois. La seule chose qui nous fait nous rejoindre, entre institutionnel et privé, c'est que sans preuve de vie il n'y a pas de négociation. Le travail de la cellule de crise va être d'obtenir par un certain nombre d'intermédiaires une preuve de vie et de possession", explique David Hornus.
Même si le Président ou le Premier ministre rappellent à chaque libération d'otage qu'il n'a pas versé d'argent aux ravisseurs, de nombreuses voix continuent de s'élever pour mettre en doute la parole de l'État. Pour David Hornus, ça ne fait aucun doute, la négociation est "un échange donnant-donnant, un acte commercial dans la plupart des cas. Que ce soit avec les pirates somaliens ou avec Aqmi. Mais ce n'est pas toujours le cas, notamment avec Daesh".
"Lorsqu'on arrive à élaborer un canal de conversation, c'est un deal quasiment commercial qui s'installe et les deux parties ne changent pas. L'objectif est de trouver un terrain d'entente. C'est comme un élastique qui se tend et se détend. Il faut trouver le bon tempo pour arriver à un accord, déterminer les conclusions de cet accord et comment vont être remises les contreparties l'otage exfiltré", poursuit-il.
Le gouvernement français n'a donné aucun détail sur les conditions de la libération de Serge Lazarevic. Tout juste le gouvernement nigérien a-t-il précisé qu'elle résultait d'"efforts intenses" du Niger et du Mali. Selon David Thomson, journaliste de RFI spécialisé dans le terroriste jihadiste, une rançon et un échange de prisonniers (deux hommes à l'origine de l'enlèvement du Français) auraient permis cette libération.
"L'objectif étant de sortir une personne vivante, à un moment il ne faut pas trop se poser de questions, estime David Hornus. Les différents intermédiaires eux-mêmes donnent parfois des indications sur ce qu'il convient de faire ou ne pas faire pour arriver à une fin heureuse. Si ça a permis la libération de Serge Lazarevic, ce n'est pas le moment de faire des polémiques", tranche-t-il.
Le négociateur explique au passage que ces contreparties varient fortement selon que la négociation est menée par un État ou une société privée. Un déséquilibre qui peut parfois être fatal à certains otages. "Lorsque vous avez un règlement qui est fait par une institution ou un État, nous ne sommes pas du tout sur les mêmes montants que les solutions assurantielles. Ils sont bien moindres que ce que paient les États. Ce qui créé un problème pour certains otages dont le sort est parfois scellé au regard de leur valeur marchande".
Heureux de la libération de Serge Lazarevic, David Hornus dresse l'inventaire des passages obligés qui attendent l'ex-otage ces prochaines heures. "J'imagine que nos services, qui sont ultra compétents, sont déjà sur place et l'on déjà sécurisé. Si son état le permet, il sera au plus tôt débriefé. Car il va être très important pour la France de savoir comment s'est passée sa détention, comment est décédé Philippe Verdon et par quels groupes successifs il a pu passer".
En revanche, il craint que l'attitude de François Hollande, qui a pris l'habitude d'accueillir les otages libérés à l'aéroport de Villacoublay, ne desserve les ressortissants français qui vivent dans les zones à risque. "Je pense que c'est une erreur. La France donne ainsi le message très clair que le plus haut niveau de l'État négocie la libération de ses otages. Il faut être très prudent avec ça désormais. La France devrait avoir un mode opératoire de sortie de crise et faire quelque chose d'un peu plus low-profile pour faire en sorte que les preneurs d'otages comprennent que désormais, ce sera peut-être un business moins lucratif".
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