Michel Cymes : "Ivo Pitanguy a aussi joué du bistouri dans les favelas brésiliennes"

Outre les Jeux olympiques, ce qui a marqué le Brésil cet été c'est la mort d'Ivo Pitanguy. L'homme était à la chirurgie esthétique ce que Pelé est au football, Gustavo Kuerten au tennis, Ayrton Senna au sport automobile et le Christ de Corcovado au tourisme carioca. C'est une référence, la pointure des pointures. Cet ancien interne des Hôpitaux de Paris restera dans l'histoire de la médecine comme le pionnier de la chirurgie esthétique. D'une pratique souvent méprisée dans les années 60 il a fait une discipline respectée. Si vous prononcez son nom dans les congrès de chirurgie plastique ou esthétique, vous verrez que c'est un véritable mythe pour tous ceux (et ils sont nombreux) qui exercent ce métier.

Ivo Pitanguy aurait eu les plus belles femmes du monde sur sa table d'opération. Il y avait dans sa salle d'attente tout le gotha mondial. S'il vous est arrivé de fantasmer sur la plastique irréprochable de certaines stars du grand écran, vous le devez un peu à Ivo Pitanguy. Même s'il faut admettre qu'il travaillait sur des patients et des patientes ayant quand même un certain potentiel de base.

Le Brésil cultive le culte du corps

Mais son client le plus inattendu fut un Français qui, dans les années 80, lui demanda de faire un visage plus doux et moins anguleux. Ivo Pitanguy s'exécuta. Il réalisa des années plus tard qu'il avait fait le portrait d'un braqueur en cavale célèbre pour avoir réalisé dans le sud de la France le "casse du siècle".

Dans un pays comme le Brésil, qui voue un culte permanent au corps, où on se shoote au Botox et à l'implant, Ivo Pitanguy était d'autant plus respecté qu'il se consacrait aux pauvres. On ne compte plus les nez, les becs de lièvre, les paralysies faciales, les oreilles décollées ou les peaux brûlées pour lesquels il a gratuitement joué du bistouri dans les favelas. Il opérait, il réparait, il embellissait. La veille de l'inauguration des JO, il avait brièvement participé au relai de la flamme olympique. La sienne s'est éteinte le lendemain à 93 ans.