Les producteurs se disent "asphyxiés" par la crise agricole. Ils dénoncent des prix trop faibles pour leur viande, qui ne leur permettent pas de couvrir leurs coûts de production. Si ces prix sont tombés si bas, c'est à cause du pouvoir d'achat des consommateurs qui dicte le comportement des grandes enseignes.
Entre des côtes de porc à 6 euros, les deux pièces et d'autres en promotion à 2,50 euros, vous préférerez mettre les moins chères dans votre chariot. Sauf qu'à ce prix-là, la marge est quasi-inexistante. Personne n'en vit dans la filière. Mais les clients, eux, reviennent acheter dans le magasin. Le tour est joué.
Ajoutez à cela la concurrence des marchés, moins de croissance, et donc moins de gâteau à se partager entre les différentes enseignes. Résultat : chaque distributeur tire ses prix vers le bas et déploie les grands moyens pour s'en sortir.
Cela passe pas plusieurs techniques. D'abord, profiter du rapport de forces qui tourne à leur avantage. Les Carrefour, Leclerc, Auchan ou Casino sont peu nombreux. Les groupements d'achats sont passés de sept à quatre seulement, avec les récentes alliances. Ils représentent à eux seuls 90% de la distribution française.
C'est un sacré poids face à la multitude d'éleveurs et de petits producteurs, parfois fébriles, qui ont peur de ne plus être référencés ou d'être bannis du rayon si d'aventure leurs prix étaient trop élevés. Ils jouent gros, jusqu'à 30% de leur chiffre d'affaires.
L'autre combine se fait en coulisses, avec des négociations au téléphone, quasiment quotidiennes, en fonction des cours du marché du bœuf ou du porc, qui varie. Là, l'ambiance plutôt "ring de boxe", comme le confient plusieurs habitués de ce bras de fer.
Nicolas Caron connaît bien ça. Il les coache. Son cabinet, Halifax Consulting, est spécialisé dans la "performance commerciale". "Que ce soit des poulets, des petits pois ou des yaourts, l'acheteur a été formé pour vous expliquer que ce tarif c'est n'importe quoi, que ce qui lui est proposé est standard et comparable à tout ce qu'il peut avoir pour beaucoup moins cher. Non seulement le distributeur n'est pas prêt à payer le prix, mais il demande comment on va pouvoir compenser. Par exemple aidant à faire de l'animation sur mon point de vente", explique-t-il.
À cette pression extrême et ces comportements de cow-boy, la grande distribution ajoute son arme favorite : la péréquation des marges. L'astuce, c'est de faire baisser encore plus les prix d'un côté - au rayon boucherie, par exemple - et de faire grimper les étiquettes de l'autre - au rayon traiteur - pour compenser.
Dans cette guerre des prix, les grandes enseignes répondent qu'elles comprennent la détresse des éleveurs, mais qu'elles n'ont pas à être les bouc-émissaires. "Toute la filière est concernée. Les abattoirs, les industriels aussi achètent aux éleveurs", renchérit un responsable.
Pourtant, Yves Audo, vice-président de la filière porcs d'Intermarché, reconnaît que les distributeurs ont été trop loin. "Il y a des distorsions entre les différents maillons qui ne peuvent pas continuer. Les prix ont peut-être été trop bas, la guerre des prix a été trop forte sur ce genre de produits. Il va falloir revenir à des choses raisonnable. Il faut que tout le monde travaille dessus", dit-il.
Dans cette crise agricole, un observateur aguerri avoue "ne pas savoir comment faire remonter les prix, dans un marché ouvert à la concurrence mondiale, où la négociation est permanente". Un vrai casse-tête. Car au-delà des déclarations de bonnes intentions, rien n'empêche à un distributeur d'aller à l'étranger acheter à prix cassés.
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