Qui est le patron des patrons ? Le président du Medef ? Jusque-là, l'ex-CNPF était le géant incontournable. Élu, le patron du Medef devenait le porte-voix de tous les patrons, petits et grands. Sauf que les autres organisations patronales expliquent qu'il n'y plus de raison qu'il n'y ait qu'une seule tète qui dépasse. Après tout, disent-elles, il y a bien plusieurs syndicats de salariés. Ce qui a tout changé, c'est que l'État a décidé de mesurer le poids réel des organisations patronales.
Alors combien pèse réellement le Medef ? Est-il aussi prépondérant qu'on le dit ? Combien pèse son concurrent, la CGPME ? Et les autres, dont on ne parle jamais ? "Et bien, on a qu'à commencer par compter les adhérents", a établi un décret. Du coup, depuis plusieurs mois, les organisations patronales se sont lancées dans une compétition féroce, une chasse effrénée aux adhérents, avant l'arrêt des compteurs le 31 décembre.
Pour engranger des adhésions, il faut faire parler de soi. Ce n'est pas un hasard si, à partir du 9 novembre prochain, vous allez entendre des publicités du Medef à la radio et voir des affiches dans 140 villes, incitant les entrepreneurs à adhérer. Ça n'est pas un hasard si Pierre Gattaz, le président du Medef, tente à nouveau de casser son image de représentant du CAC 40 pour séduire le PME. Car en coulisses, Pierre Gattaz se bat avec les autres organisations patronales qui ont sorti les couteaux et les cuillères pour se mesurer à lui.
"C'est un sujet qui pollue un peu nos organisations actuellement. On compte un peu les petites cuillères, les fourchettes et les couteaux", regrette-t-il. "Moi je veux un patronat le plus possible ensemble, unifié. Avoir ce sujet polémique pollue un peu nos relations", poursuit-il, invitant à "compter les petites cuillères le plus raisonnablement possible (...) pour passer au vrai combat".
Le problème, c'est que personne n'est d'accord sur la façon de compter les cuillères. On pourrait dire : un adhérent vaut une voix. Mais l'organisation des artisans, très nombreux, serait surreprésentée. Le Medef plaide donc pour que le nombre de salariés des sociétés adhérentes soit pris en compte. Pour que le groupe Total (100.000 salariés) compte plus qu'une PME.
Qui va gagner la bataille ? Bernard Vivier, de l'Institut supérieur du travail, qui suit cette compétition, se garde bien de faire un pronostic dans ce paysage patronal désormais morcelé. "Ma volonté n'est pas de me faire plus gros que le bœuf, que le Medef. Mais le Medef ne peut plus faire le grand écart, représenter le CAC 40 et les PME", explique le président de CGPME, François Asselin, le meilleur ennemi de Pierre Gattaz.
Dans cette guerre feutrée, le Medef a plus à perdre que les autres. Il joue sa crédibilité et aussi une partie de son financement. S'il est moins puissant qu'on l'imagine aujourd'hui, il pourrait perdre des millions d'euros d'aides de l'État.