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Un téléphone portable (image d'illustration)
Crédit : Thinkstock
"Rétablir ce lien et (...) refaire notre métier, pas en se posant les questions du microcosme parisien (mais) en se posant des questions sur ce qui est vraiment nécessaire à comprendre dans l'information." C'est avec ces mots qu'Olivier Ravanello, ancien journaliste d'iTélé, a présenté la mission que se confie Explicite dans une interview sur France Inter.
Lancé par une grande partie des journalistes ayant quitté la chaîne d'information après la grève de 31 jours, en novembre dernier, ce nouveau média présente une caractéristique singulière : il se déploiera uniquement sur les réseaux sociaux. Pas de plateforme dédiée, mais une omniprésence sur Facebook, Twitter et Youtube : "On ne s'interdit rien du tout", a assuré sa collègue Sonia Chironi dans la même interview. Ce qui nous intéresse c’est le contenu ; les formats, on va les imaginer. Le plateau, principalement, ce sera le terrain."
Les deux journalistes annoncent une actualité au plus proche du lectorat, faite de tweets, de pastilles et directs vidéos dans lesquels des spécialistes répondront aux questions d'actualité des internautes. Un filon novateur que quelques aventuriers du Web francocophone tentent déjà d'exploiter.
Selon un rapport publié par l'institut Reuters d'étude du journalisme en juin 2016, et relayé par Le Monde, 51% des internautes (une cible donc potentiellement "web-friendly) s'informent via les réseaux sociaux. De quoi inspirer de nouvelles formes journalistiques, comme AJ+. Cette version 2.0 d'Al-Jazeera, présent sur la plupart des réseaux sociaux, propose des pastilles vidéos informatives et muettes pour rendre compte de l'actualité, sur lesquelles tout utilisateur de Facebook est forcément tombé. Les contenus textuels sont publiés via Medium, une plateforme de blogging.
En France, la presse s'étend lentement mais sûrement à ces nouveaux modèles. Brut., lancé à la mi-novembre 2016, compte plus de 34.000 abonnés sur Facebook, 7.000 sur Twitter et 455 sur Instagram. Un succès dû notamment à l'une de ses premières vidéos, dans laquelle le François Hollande de 2011, alors candidat, répond à celui de 2016. 3.3 millions de vues à ce jour.
La recette de Brut., c'est l'information mêlée à l'humour, avec une omniprésence de la culture Web : les politiques sont interviewés sur Snapchat, leurs dépenses sont mises en parallèle avec celles des rappeurs US et les applaudissements de leurs soutiens scrupuleusement analysés. Un esprit très Petit Journal, et ce n'est pas par hasard : Laurent Lucas, rédacteur en chef adjoint de l'émission du temps de Yann Barthès, est également producteur exécutif de ce jeune média. Côté création, on retrouve Renaud Le Van Kim, qui a lancé iTélé et LCI, ainsi que Guillaume Lacroix, co-créateur de la société de production humoristique Studio Bagel.
"C'était un évidence", raconte ce dernier à RTL.fr. "Les partis politiques se lancent tous sur les réseaux sociaux. La campagne présidentielle sera digitale car cela va plus vite que la télé, et il ne peut pas ne pas y avoir d'offre informative qui ne l'accompagne. Même si parfois il y a un côté lol, il doit toujours y avoir une production de sens." L'humour sert donc au fact-checking, au décryptage et à la révélation de "talents digitaux", dont fait partie Rémy Buisine : repéré en filmant les Nuits Debout en live via Périscope, il a depuis intégré l'équipe de Brut. Selon Guillaume Lacroix, ils sont "une douzaine" de personnes derrière les pages informatisées du média. "Tout le monde produit", précise-t-il.
"L'évidence, c'est qu'aujourd'hui, ça se passe sur les réseaux", explique Olivier Ravanello à RTL.fr. "Je suis persuadé que dans dix ans, les gens n'iront plus s'asseoir devant la télévision pour recevoir l'information mais utiliseront leurs supports mobiles." Une offre informative qui permet, selon lui, une plus grande liberté pour les utilisateurs : "Ils pourront voir le contenu qu'ils veulent quand ils veulent. Ils bénéficieront de plus d'une liberté de mouvement, qui permettra de s’informer autant de fois qu'ils le souhaitent : dans la file du restaurant, dans le métro, avant de reprendre le travail..." De fait, Olivier Ravanello ne compte pas laisser de place au ton décalé sur Explicite : "Je ne veux pas rentrer dans cette logique-là. Notre préoccupation, c'est seulement l'info."
Les réseaux sociaux sont phagocytés par des contenus qui cherchent le clic
Olivier Ravanello
Le journaliste évoque la méfiance des médias traditionnels, qui pousse le lectorat à chercher à s'informer sur Facebook et Twitter. Pour lui, mettre des journalistes sur les réseaux sociaux relève de l'urgence : "ces réseaux sont phagocytés par des contenus qui cherchent le clic et le buzz, ou bien des contenus volontairement tordus, idéologisés, manipulateurs."
Alors que la rentabilisation de la presse Web traditionnelle est toujours un questionnement, la monétisation d'une actualité uniquement prodiguée sur les réseaux sociaux semble incertaine. Pour se lancer, Explicite vit sur les économies des journalistes associés et sur un financement participatif qui devrait voir le jour. Ensuite, le média mise sur l'entrée en scène éventuelle d'un investisseur : "Le modèle économique à long-terme, ce n'est pas nous qui allons le trouver", tempère Olivier Ravanello. Quelqu'un va venir à nous et nous apporter un business-plan pour nous aider à monétiser sur les réseaux."
Quand Explicite parle start-ups, Brut. parle partenariats et poids lourds : "Il faut trouver un partenaire média fort qui nous permette de monétiser nos contenus dans leur univers", anticipe Guillaume Lacroix. "Le deuxième pan, c'est le brand-content et les opérations spéciales. Du sponsoring de contenu ou de lives, voire des choses innovantes comme le in-stream, un mode de publicité moins invasif" (comme une publicité au début d'une vidéo, ndlr).
Je pense qu'il n'y a aucun moyen de gagner de l'argent seulement avec les réseaux sociaux
Alexandre Léchenet, journaliste
Alexandre Léchenet est moins optimiste. Jeune journaliste, il essaye ce modèle-là : sur Twitter et Instagram, il a lancé Posté fin décembre 2016, avec un ami chef de projet Web. Le contenu, à mi-chemin entre information et humour, rappelle la veine de Brut. : "C'est très expérimental", affirme-t-il, parlant plus d'un "laboratoire" que d'un média à part entière. "On essaye de raconter l'information de manière différente, sur différents supports. On réfléchit à des formats." Pour lui, il y a "peu d'espoirs de retour financier, à moins d'un investisseur ou d'une fondation. Je ne le fais pas en me disant que je vais réussir à en vivre, mais plutôt pour faire des tests". En tout cas, lui pense "qu'il n'y a aucun moyen de gagner de l'argent seulement avec les réseaux sociaux."
Le grand avantage de ces nouveaux médias semble être la totale liberté d'action qu'implique l'absence de plateau et de plateforme dédiée. Un pan de son projet auquel Olivier Ravanello tient plus que tout, quitte à y laisser un peu de la santé économique d'Explicite : "Si quelqu'un venait à se présenter pour créer une société, nous aurions une discussion avec cette personne sur notre indépendance, et nous serons intransigeants là-dessus."
Cet affranchissement est au cœur de ce que souhaite porter Explicite : "Ce n'est même pas un caprice de journaliste, c'est simplement que ce serait contre-productif", explique-t-il : puisque les internautes cherchent l'information sur les réseaux sociaux par méfiance, Olivier Ravanello souhaite répondre à une attente en plaçant des journalistes professionnels sur ces plateformes. Libres de toute contrainte éditoriale. L'avenir dira comment évolue ce média d'un genre nouveau, mais les 15.000 abonnements récoltés par la page Facebook d'Explicite en seulement deux jours semblent assurer d'une chose : les futurs lecteurs sont preneurs.
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