Isabelle Morini-Bosc : " Plus aucun acteur, actrice, n'accepte dorénavant les signes du temps"

ÉDITO - La chirurgie esthétique est un phénomène de société qui se repend de plus en plus, de la star à l'individu lambda.

Isabelle Morini-Bosc : "Je conseillerais à Nabilla de visionner 'My fair lady'"

Crédit : Alberto E. Rodriguez / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Cela ne tient qu'à un fil. Le premier à avoir employé cette expression ne pensait sûrement pas qu'un jour, elle aurait un double sens. Les fanas d’étymologie savent en effet que cette image vient de la mythologie et des trois sœurs Parques gérant les destins des hommes ; à chaque être humain sa bobine, si on ose dire : la benjamine tenait le fil de chaque vie, la cadette le plaçait sur le fuseau et l'aînée, Atropos, le coupait quand bon lui semblait. Mais ça, c'était avant ! L' expression peut désormais désigner une personne qui s'est tellement fait tripatouiller chirurgicalement que la peau semble sur le point de lâcher, comme ces emballages alimentaires sur lesquels on appuie pour les faire littéralement "péter", si on nous passe l'expression.

Oui, ça ne tient souvent aujourd'hui qu'à un fil, avant que tout lâche. C'est d'autant plus vrai que la bonne affaire du mois côté chirurgie esthétique, c'est le fil tenseur qui se résorbe tout seul en résorbant aussi vos rides. Vous voilà détendus car retendus ! C'est bien le seul domaine où les tensions sont recommandées. Plus recommandées que recommandables. Car c'est tout de même philosophiquement un problème de penser que hors du lissage gommage rafistolage point de salut. Plus aucun acteur, actrice, n'accepte dorénavant les signes du temps. Ou presque.

Il est certes normal que nous voulions tous vieillir le mieux possible. Il serait donc sot de refuser les possibilités permettant de rester présentables sauf qu'il y a une différence entre vouloir rester reconnaissable et devenir méconnaissable. Rien de commun par exemple entre tenter de combler des ridules buccales, et se faire une bouche ventouse propre à terrifier le plus gros des mérous. Que dire aussi de cette mode durable des seins en saladier Tupperware, lourds comme huit bouteilles d'eau minérale modèle familial. C'est certes une avancée, mais sûrement pas pour la science !

De la chirurgie à l'outrance

Sans compter que ces jeunes femmes qui vont de l'avant assurent généralement aussi leurs arrières. Quelle aberration, cette mode des fessiers surdimensionnés, avec le risque encouru pour cette zone constamment mobilisée. Vous imaginez l'infection si un implant éclate. Quand ce n'est pas un dégât des os ! Oui, quelle folie de jouer à l’apprenti sorcier. Regardez ces visages célèbres des deux sexes aperçus aux Grammy Awards lundi 15 février, récemment aux Emmy Awards, bientôt aux César et aux Oscars, tous figés comme des flans anglais par un excès de Botox, d'acide hyaluronique et autres.

Au point que les cinéastes sont de plus en plus nombreux à s'en détourner pour défaut d'expression. Mais hélas, ces vitrines bien implantées fascinent de nombreux jeunes, pas nécessairement décérébrés. Souvent juste mal dans leur peau. Et du coup tentés d'en changer (de peau) en regardant les Ch'tis ou Les Anges de NRJ12. Que voient-ils sur l'écran ? Des garçons et des filles empalés sur leurs pantalons trop serrés, tatoués façon murs tagués, "nichonnés", huilés comme des frites Vivagel côté face côté fesses, les t-shirts plus remplis que le cerveau, et ces jeunes font carrière.

C'est vrai. Qu'on me permette toutefois de rappeler cette maxime rurale : "C'est à la fin du marché qu'on compte les bouses". Qu'ajouter ? Rien. Merci. Je vous épargnerai dans l'immédiat les précisions techniques sur le "rechapage de vagin" (le kit technique - délicate attention - a parait-il été offert aux nommés des Oscars avec, si j'ose dire, le "pendant" masculin). Mais au fait et au point où on en est, pourquoi ne pas transformer la célèbre chanson Je t'ai tellement dans la peau en "J'en ai tellement dans la peau" ? Moi, ce que j'en dis...

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