Isabelle Morini-Bosc : "Il est quasiment sûr qu'une bonne émission mal titrée échoue"

ÉDITO - Les programmes télévisés sont forts de par leur contenu mais le public est beaucoup plus sensible à son titre.

L'émission "Nous" présentée par Marie Drucker

Crédit : Capture Youtube

Vous vous souvenez de Chicago Hope, cette série mal diffusée en France de 1994 à 2000 ? Non ? Moi, si. Programmé face à Urgences, cet excellent feuilleton médical ne se releva pas de cette concurrence, n'obtenant jamais le succès qu'il méritait. Cette rivalité ne fut toutefois pas la seule raison de son échec public. Comme si cela ne suffisait pas de l'avoir trimbalée sur plusieurs chaînes (d'abord France 2 puis TF1 pour la saison 3, avant Série Club), elle subit en outre, en quelques mois, plusieurs changements de noms qui l'achevèrent : Chicago Hope, Chicago hospital et surtout La Vie à tout prix, devenu bientôt Chicago Hope la vie à tout prix. Au point où on en était !

Pourquoi rappeler le passé ? Simplement pour montrer l'importance pour un programme d'avoir un bon titre ! Il n'est en effet pas complètement certain qu'une bonne émission bien titrée marche en audience mais il est en revanche quasiment sûr qu'une bonne émission mal titrée échoue. Le premier succès d'un spectacle, c'est qu'on ait envie d'aller le voir, pas vrai ! Comment espérer garder son public jusqu'à la fin du programme, si ce public n'est pas venu au début ? Par exemple, lors d'une conférence de presse bilan sur les programmes de France 3, la patronne de la chaîne Dana Hastier a cité l'émission Le messager comme l'un des projets ambitieux du service public. Vous ne voyez pas ce que c'est ? Comme tout le monde ! Disons pour vous aider qu'il s'agissait d'un bon documentaire animalier. Mais comment l'identifier sur une grille sommaire ? Oui, comment deviner que c'était un film militant sur un jeune spécialiste acharné à sauver les gibbons menacés d'extinction, une espèce essentielle au maintien de la biodiversité et donc aussi indispensable à notre survie.

Le nom fait l'émission

Notre camarade Yves Calvi, fin lettré et vrai cinéphile, était ainsi logiquement persuadé que la chaîne reprogrammait le célèbre film du même nom de Joseph Losey de 1970 (avec Julie Christie et Alan Bates). Appeler ce documentaire Le messager, c'était à peu près aussi efficace qu'utiliser un shampoing longueurs et pointes pour le beau crâne d'Obispo. Même problème, en moins accentué, pour une formidable série d'enquêtes proposée par Arnaud Poivre D'Arvor et Marie Drucker, série certes regardée sur La 2, mais pas assez eu égard à sa qualité, ont par exemple déjà été diffusées dans cette collection, des spéciales sur le logement, les transports, l'eau, toutes particulièrement nécessaires et réussies, et toutes faisant chaque fois le tour de la question.

Le seul souci de ce programme ? Son titre : Nous. Trop global pour être efficace. Oh, bien sûr, n'étant pas complètement crétins, nous saisissons le message. Nous traite de thèmes nous concernant tous au quotidien. Sauf que, à force de vouloir tout dire, le titre ne dit rien au public. À tous les sens du terme. Parce qu'il ne veut plus rien dire. Résultat, certains téléspectateurs se dispensent d'une formidable production dont le seul défaut est son label. La critique est certes aisée et l'art difficile, mais justement, et si on votait ? Par quoi remplaceriez-vous Le Messager et Nous ? Allez, j'attends vos propositions et vu que la transmission, il y a que ça de vrai, je transmettrai ! En ayant présent à l'esprit cette phrase de notre Jacques Pradel, "Le nom d'une émission, c'est son drapeau". Pas mieux !

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