C'est une tendance très étonnante qui s'amplifie depuis quelques années outre-Atlantique : la proportion d'Américains qui travaillent ne cesse de diminuer, et cela quel que soit leur âge et leur sexe. Ce qu'on appelle le taux de participation - c'est-à-dire justement le pourcentage de ceux qui ont un boulot ou qui recherchent un emploi - est de 63% de la population, alors que ce chiffre était près de dix points supérieur il y a dix ans, avant la crise. Au total, il y a 95 millions de citoyens sans activité professionnelle, contre 140 millions sur le marché du travail.
Parmi ces Américains qui ne travaillent pas, il y a bien sûr les seniors, à la retraite. Ils sont de plus en plus nombreux à cause du vieillissement. Il y a aussi les jeunes, qui font des études plus longues qu'auparavant. Mais le vrai mystère, c'est que les Américains dans la force de l'âge professionnel (entre 25 et 60 ans) sont eux aussi moins nombreux à travailler qu'avant. Qu'est-ce qui peut l'expliquer ? D'abord quelque chose de très étonnant, la politique carcérale des États-Unis.
Depuis qu'elle a été durcie, il y a vingt ans, cette politique s'est traduite par une explosion du nombre de détenus. Il y en a aujourd'hui plus qu'en Chine et en Russie réunies. Au total, 13 millions d'Américains ont un casier judiciaire qui, de fait, leur interdit quasiment de travailler, puisque la vérification par l'employeur est quasi-systématique. Ce sont pour beaucoup des Noirs, qui sont de facto expulsés du marché du travail.
Le taux de chômage officiel américain ne dit pas la vérité
François Lenglet
Il y a aussi le grand nombre de ce qu'on appelle les "chômeurs découragés", qui n'espèrent même plus retrouver du travail et ne sont donc pas inscrits au chômage, d'autant qu'ils n'ont plus droit à aucune allocation. Ce sont pour beaucoup des non-qualifiés. Même la reprise de l'économie américaine, à l'oeuvre depuis 2010, n'a pas amélioré leur condition. Car ils sont victimes de deux chocs majeurs. L'essor de la technologie, tout d'abord, qui a supprimé bon nombre de postes non qualifiés dans l'industrie, et même dans les services. Les call centers sont, par exemple, en voie de disparaître, remplacés par des robots qui vous répondent pour vous dépanner ou vous proposer des offres commerciales. Ensuite, la délocalisation en Chine de la fabrication de meubles, de jouets, d'électronique bas de gamme, qui étaient naguère produits aux États-Unis.
Ils n'ont plus aucune chance de se réinsérer. Ils sont complètement abandonnés, car il n'existe pas de formation abordable pour eux. Pour beaucoup, ils comptent d'ailleurs parmi les électeurs de Donald Trump, le candidat populiste, anti-élite, qui a fait des promesses mirifiques sur le retour du plein emploi. Cela signifie en tout cas que le taux de chômage officiel ne dit pas la vérité ? Ce taux ici est l'un des plus bas du monde occidental, à 5% environ. Mais si on le corrigeait, en ajoutant ces millions d'adultes en âge de travailler qui ne sont plus sur le marché du travail, le taux de chômage américain serait compris entre 10 et 12%, c'est-à-dire qu'il serait au moins égal au nôtre.
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