C'était le temps fort du débat de l'entre-deux tours de la primaire de la gauche. Lorsque le thème de la laïcité a été abordé mercredi 25 janvier, les deux finalistes du scrutin, Manuel Valls et Benoît Hamon, se sont livrés à une sérieuse passe d'armes sur leur conception de la loi de 1905. Deux visions s'opposent. Celle de Manuel Valls "s'appuie sur une vision de la laïcité qui se réfère à un droit restrictif, à un droit qui essaie d'imposer l'absence de signes religieux et notamment de signes musulmans dans l'espace public", explique à RTL.fr Françoise Lorcerie, politologue qui a récemment travaillé sur le sujet. Au contraire, la vision de Benoît Hamon se réfère, selon elle, "de façon prioritaire à la loi de 1905, qui affirme que la République garantit la liberté de croyance et la liberté de religion".
La position de Benoît Hamon est claire : "La laïcité c'est l'art du vivre-ensemble". Il ne veut se référer qu'à la loi de 1905, qui sépare l'Église et l'État. "C'est l'une des plus belles lois de la République parce que c'est une loi de liberté. (...) Mon opinion c'est la loi de 1905, rien que la loi de 1905", a-t-il martelé pendant le débat. Selon Françoise Lorcerie, "Benoît Hamon considère, comme les juristes le font, les lois de 2004 (sur le port de signes ou tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics, ndlr) et de 2010 (qui interdit la dissimulation du visage dans l'espace public, ndlr) comme des lois prises au titre de l'ordre public mais qui ne changent pas la conception française de la laïcité, qui met au premier plan, selon lui, la liberté et l'égalité entre les croyants ou les non-croyants".
Pour Manuel Valls, la laïcité "est un bouclier qui fait partie de notre culture. Et il ne peut pas y avoir d'ambiguïtés la concernant, parce que nous devons protéger nos compatriotes musulmans qui sont sous la pression de l'islam politique". Le candidat, qui a voté la loi interdisant les lois de 2004 et 2010 a réaffirmé qu'il existait "une revendication politique à propos du voile, qui conteste la République. On doit être capable d'y répondre par la loi quand c'est nécessaire". Pour la politologue Françoise Lorcerie, cette vision "hiérarchise les principes de la laïcité et met en premier plan la neutralité de chacun, y compris de tous les citoyens, pas seulement celle des fonctionnaires".
Avant le débat, Manuel Valls n'avait pas hésité à attaquer son adversaire par médias interposés sur le sujet. L'ancien premier ministre avait déclaré sur le plateau de TF1 : "Je défendrai aussi une vision de la laïcité que je veux incarner, la lutte contre le communautarisme. Lui, Benoît Hamon, est ambigu sur ces questions". Son fidèle soutien Malek Boutih avait même accusé Benoît Hamon d'être en résonance avec "une frange islamo-gauchiste".
Des propos qui avaient suscité la colère de l'élu des Yvelines. "Vous voyez le poison là, 'ambigu sur le communautarisme', ce n'est fondé sur rien. C'est : 'L'élu de Trappes est forcément ambigu avec le communautarisme', donc on distille un poison", avait répondu Benoît Hamon. Son équipe de campagne avait même écrit au premier secrétaire du PS pour dénoncer les attaques de Manuel Valls, responsables d'un "climat nauséabond".
Un contentieux qui illustre les positions opposées des candidats, selon Stéphane Rozès. Le politologue et président de la société Cap explique à RTL.fr que "certains peuvent considérer que l'islam politique est un danger qu'il faut combattre politiquement, c'est le cas de Manuel Valls et François Fillon, à droite. Alors que d'autres considèrent qu'une fois que la loi est respectée, l'islam politique n'apparaît pas comme un danger", ce qui serait la position du camp Hamon.
La droite et l'extrême-droite sont en train d'utiliser la laïcité comme un glaive
Benoît Hamon
L'un des principaux points de désaccord entre les deux hommes concerne le port du voile. Pour Benoît Hamon, il faut faire la différence entre les femmes qui le portent librement et celles qui y sont obligées. "À chaque fois qu'un dogme revient à imposer ses convictions aux autres moi je le combats", explique-t-il.
Quant à une femme qui décide de porter le foulard islamique librement, "peu importe ce que nous pensons, estime le candidat. Au nom de la loi de 1905, elle est libre de le faire et moi je veux lui assurer cette liberté". Benoît Hamon vise ensuite les "néo-conservateurs, qui pensent qu'un bon musulman est un musulman qui n'est pas musulman". Et de mettre en garde certains politiques : "La droite et l'extrême droite sont en train d'utiliser la laïcité comme un glaive contre nos compatriotes musulmans qui n'ont rien à voir avec l'islamisme radical, qui, lui, doit être combattu. Certains d'entre eux se sentent directement impactés par le discours politique qu'ils entendent et la stigmatisation dont ils font l'objet". Manuel Valls rebondit immédiatement, en rappelant qu'en 2010, lors du débat sur l'interdiction du voile intégral, Benoît Hamon alors porte-parole du PS s'était prononcé contre la loi, par crainte, justement, d'une stigmatisation des musulmans.
Il n'y a pas seulement le problème de la laïcité, il y a le problème de l'émancipation de la femme
Manuel Valls
"Lorsqu'on veut d'interdire ce type de signe religieux dans l'espace public, il y a toujours l'idée que l'on stigmatiserait quelqu'un. Non, je suis convaincu que nos compatriotes musulmans ont droit à notre protection", explique Manuel Valls. L'ancien premier ministre va plus loin : "Derrière cela, il n'y a pas seulement le problème de la laïcité, il y a le problème de l'émancipation de la femme. Notre rôle c'est de ne jamais stigmatiser mais de dire aux jeunes filles qui vivent cet ordre machiste, cette régression, que nous sommes là pour les aider à s'émanciper, alors que des femmes dans le monde entier se battent pour se libérer de cet asservissement".
Sur le port du voile à l'université, les deux candidats sont là encore en désaccord. En avril dernier, Manuel Valls s'était prononcé pour son interdiction dans les colonnes de Libération. "Il faudrait le faire, mais il y a des règles constitutionnelles qui rendent cette interdiction difficile. Il faut donc être intraitable sur l’application des règles de la laïcité dans l’enseignement supérieur." Benoît Hamon, au cours du débat de l'entre-deux tours a cité la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : "Nul ne doit être empêché d'exprimer sa liberté religieuse sauf quand il trouble l'ordre public". Un principe fondamental, que les présidents d'université ne veulent pas voir remis en cause selon le candidat.
Si le débat de l'entre-deux tours s'est révélé utile, selon Françoise Lorcerie, c'est notamment parce qu'il a "mis en relief de façon claire et compréhensible la différence de vision de la laïcité". Et il aura peut-être servi à aiguiller les indécis, à 4 jours du second tour.
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