Prélèvement de l'impôt à la source : "François Hollande a besoin de terminer par un signe positif", analyse Alba Ventura
REPLAY / ÉDITO - Pourquoi le chef de l'État se lance-t-il aujourd'hui dans le grand Big Bang de l'impôt à la source ? Pour lui, c'est d'abord l'occasion de montrer à l'opinion que les réformes continuent.
Le top départ du chantier de l'impôt à la source a été donné mercredi 17 juin en Conseil des ministres. Une réforme "irréversible", selon les mots du ministre des Finances, Michel Sapin. Quelle mouche a donc piqué François Hollande ? Quand on interroge les proches du Président, les ministres, tout le monde vous répond que le prélèvement à la source était dans les tuyaux depuis longtemps et qu'il fallait attendre le bon moment. Le chef de l'État estime que cela fait des dizaines d'années que l'on en parle et qu'on ne le fait jamais.
Valéry Giscard d'Estaing déjà en parlait. Dominique de Villepin avait demandé à Thierry Breton de la mettre en oeuvre. Ce dernier l'avait même annoncé pour le 1er janvier 2009, avant que Nicolas Sarkozy ne l'enterre. Jean-François Copé, lorsqu'il était au Budget en 2006, voulait lancer un grand débat national sur le prélèvement de l'impôt à la source.
La fiscalité, le dada de Hollande
François Hollande pense que le moment est favorable. Il estime qu'on peut le faire sans douleur. C'est vrai qu'on ne peut pas faire une réforme au moment où l'on augmente les impôts, car c'est assez c'est contre-productif. Donc c'est maintenant. Voilà, en tout cas ce que l'on explique au gouvernement.
Il faut y croire en partie. Mais ce n'est pas la vraie raison. La vérité, c'est que François Hollande a besoin d'une réforme visible et durable qui marque son quinquennat. Il aimerait que l'on dise que c'est lui qui a simplifié la collecte de l'impôt. On sait que la fiscalité, c'est le dada du Président. Jusqu'ici, il s'est plutôt raté sur ce sujet. Le problème, c'est qu'elle est prévue pour 2018, après la présidentielle de 2017.
François Hollande a augmenté les impôts de 30 milliards, comme Nicolas Sarkozy. Mais le ras-le-bol fiscal, c'est François Hollande qui se l'est pris en pleine poire. Ça a été la goutte qui a fait déborder le vase. Le Président a besoin de tourner cette page. Il a besoin de terminer par un signe positif.
Le ras-le-bol fiscal, c'est Hollande qui se l'est pris en pleine poire
Alba Ventura
Même si il y a déjà des critiques - on entend dire que ça va être une "usine à gaz" -, même si certains contestent déjà, François Hollande se dit que c'est pas mal en terme d'affichage. D'autant qu'elle est appliquée dans de nombreux pays européens, et que les Français y sont plutôt favorables.
Pas de "Grand Soir" fiscal
François Hollande ne peut pas faire le "Grand soir" fiscal. La grande réforme fiscale que voulait faire Jean-Marc Ayrault, lorsqu'il était à Matignon, c'est François Hollande lui-même qui l'a tuée dans l'œuf. Terminée aussi la grande mesure à laquelle tenait tant le chef de l'État : la fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG. Si vous faites la fusion, les Français auront l'impression qu'on augmente à nouveau les impôts. François Hollande le sait trop bien : les impôts, c'est de la nitroglycérine, un sujet à manipuler avec précaution.
On voit bien ce qu'essaie de faire le Président : il essaie d'inverser la courbe du ras-le-bol fiscal. Cette année, il y a notamment 9 millions de Français qui vont payer moins d'impôts (enfin ce sont ceux qui ont été victimes des hausses d'impôts). Quant au prélèvement à la source qui ne "devrait" pas avoir d'impact, François Hollande essaie d'en faire un symbole de changement.
Comme il ne peut plus revendiquer "le changement c'est maintenant", il essaie de revendiquer des petits marqueurs de changement.
